samedi 15 décembre 2007

NI DIEU NI MAÎTRE

Je suis sceptique en toutes choses.
Vous me montrez quelqu’un qui prétend sortir de son corps et, comme cela ne m’est jamais arrivé, que voulez-vous, je doute.
Vous me dites qu’il a marché sur les eaux et je me souviens plutôt des deux fois où j’ai failli me noyer.
Vous m’affirmez qu’il est le seul et unique prophète et, à voir vos yeux exorbités de foi, je doute toujours plus de vos capacités intellectuelles.
Je suis fait comme ça. Ce que je n’ai jamais expérimenté, jamais vu, je n’y crois tout simplement pas. Vous aurez beau dire tout ce que vous voudrez ensuite, je vous écouterai avec la condescendance de quelqu’un qui ne sait rien face à un ignorant qui prétend tout connaître.
Je tiens mes doutes pour du pur savoir, voyez-vous. Fort heureusement, je doute aussi de mes doutes et ne fais pas profession de gourou. (Si vous cherchez des réponses à tout dans ma pauvre petite tête, c’est que vous êtes vraiment stupide!)
Des masses phénoménales de gens peuvent être hypnotisés par des idées qui sont une insulte aux faits tout autant qu’à la spiritualité.
Je ne doute pas qu’il y ait des mystères. Je doute cependant de ceux qui se servent des mystères pour jeter sur la vie réelle un peu de psychose collective fondée sur rien, ce rien qui constitue un vrai mystère en soi.
La religion me dégoûte. Toutes les religions. C’est du toc, du chiqué, de la fraude intellectuelle.
Je ne ressens pas, dans ma vie, le besoin de m’agenouiller et de me couvrir la tête de cendres en faisant la danse de celui qui ne sait pas quoi faire pour calmer son anxiété face à la vie ou la mort.
Pour me calmer, moi, je prends ma guitare et mes harmonicas. Quand ma crise est passée, je me fais quatre toasts au beurre d’arachides, je les mange, je les rote et je les chie.
Pour ma vie spirituelle, je regarde ma blonde ou les étoiles et ça meuble mon cœur juste assez.

J’AI GRANDI DANS DEUX RELIGIONS

Dans mon enfance, j’ai baigné dans deux religions le dimanche.
Ma première, c’était la religion catholique.
Ma deuxième, c’était la lutte que l’on regardait en famille à la télévision, après la maudite messe plate.
Que d’heures passées à se pratiquer dans le salon sur notre frère le plus jeune, cobaye par excellence des prises du sommeil, en quatre, en huit ou en neuf.
Le vocabulaire liturgique de l’église catholique accompagnait parfois les coups et les blessures : «mon tabernacle d’hostie de christ de st-ciboire de fou!», «prends ça mon sacrement de niaiseux!», «et encore ça mon calice!». La synthèse parfaite des deux religions : aimez-vous les uns les autres et dites «pardon mononc’» pour vous libérer d’une prise particulièrement douloureuse.
Ces deux religions me semblaient de même nature, arrangées avec «le gars des vues». Cependant, Mad Dog Vachon offrait un bien meilleur spectacle que celui du curé, avec ses gestes mous et ses paroles lancées à la va-comme-je-te-pousse pour ne pas perdre ses derniers paroissiens parce que ses messes sont trop longues.
Mad Dog respectait son public, lui. Et il ne nous demandait pas de s’inventer des péchés pour le curé, histoire de se créer de la mauvaise conscience au confessionnal, source évidente de maladies mentales dans notre société.

L’EXORCISME

Que d’astuces j’ai dû trouvées pour ne pas aller à la messe! La menue monnaie que ma mère me confiait pour que je la donne à la quête était systématiquement détournée vers la salle de billard. Vers l’âge de douze ans, la messe et l’église catholique ont commencé à me lever le cœur.
Le bulletin paroissial plate et le Prions en Église gnangnan ne pouvaient plus rivaliser avec La Philosophie dans le boudoir du marquis de Sade, par exemple, livre que j’avais acheté par hasard à la librairie L’Exèdre, à Trois-Rivières, et auquel je dois mon athéisme précoce.
Je me suis levé un matin et –hop!- je ne croyais plus. Finies les mortifications et autres humiliations rituelles devant les prêtres catholiques. Je ne crois pas en Dieu et foutez-moi tous la paix, bande de menteurs et d'hypocrites!
J’ai tenu ça mort pendant un ou deux ans, faisant encore semblant d’aller à la messe, tout comme je faisais semblant de frapper quand je jouais à la lutte dans le salon avec mon père et mes frères.
Le temps n’a rien arrangé.
Déjà, dans les années ’70, peu de jeunes de ma génération allaient à la messe. J’y allais avec le sentiment d’aller à l’église en 1936, en URSS. Tout le monde se moquait de la religion catholique autour de moi et moi, qui vivais dans une famille très catholique, je me faisais l’écho de la rue pour cracher sur l’église devant mes parents médusés. Je revirais les croix à l’envers. J’insultais le curé, le jour de la dîme, en lui reprochant de faire partie d’une secte d’assassins complètement déconnectés des valeurs morales qui animaient Jésus.
Je lui ramenais Copernic, Galilée, l’Inquisition, les aborigènes, la Grande Noirceur… Ma mère, horrifiée, demanda même au curé de bénir ma chambre pour chasser les mauvais esprits. J’étais à deux doigts de l’exorcisme et je n’avais qu’un doigt, le majeur, pour le catholicisme. Je disais à mes parents croyants, au moins vingt fois par jour, que Dieu n’existait pas. Pourquoi? Pour leur faire du mal? Non. Je me disais que je les respecterais mieux si je leur parlais comme je parle à mes amis, sans rien cacher.
Ont-ils perdu leur foi? Non. Mais ils ne l’ont pas nécessairement pratiquée comme des grenouilles de bénitier.
Puis je suis passé de la lutte professionnelle à la lutte des classes. Mais ça, c’est un autre épisode de ma vie qui prouve que la religion laisse des traces même chez les athées qui tentent, hors de l’église, de recréer les structures de l’église dans un monde sensément libre et laïque. J’ai milité pour les trotskistes comme l’on milite pour l’église. J’étais le Julien Sorel de Stendhal, quoi, partagé entre Le rouge et le noir. Et c'est la polychromie qui a triomphé: pas question de ne m'en tenir qu'à une seule version de l'histoire! Mieux vaut avoir mal à la tête que d'écarter, par paresse intellectuelle, ces exceptions qui détruisent toutes les règles.
LA PLACE DE LA RELIGION AU QUÉBEC
Je suis devenu un peu plus nuancé quant à la religion en vieillissant. Je ne lui veux plus de mal. Je lui ai remis les coups qu’elle m’a portés. Nous sommes quittes.
Quand j’entends le cardinal Ouellet ou le maire de Saguenay, je suis à deux poils de reprendre du service. S’ils ont le droit de dire qu’ils croient, j’ai le droit dire que je ne crois pas ce qu’ils croient. J’ai même le droit d’exiger des preuves, surtout si la religion veut jouer dans la sphère politique, où la reconnaissance des faits est essentielle pour favoriser un vrai débat de fonds. Je ne peux pas, en mon âme et conscience, placer sur un même pied d’égalité le créationnisme et la théorie de Darwin sur l’évolution des espèces; Ptolémée et Galilée; les guérisons miraculeuses et la biogénétique.
LES CROYANTS PAS PRATIQUANTS
Toutes les églises sont désertes et l’on continue, malgré tout, d’accorder une importance démesurée au catholicisme.
Par ailleurs, les catholiques du Québec sont des protestants qui s’ignorent : ils ne leur manquent que la conviction religieuse. Les protestants sont plus dévots que les catholiques, c'est cette dévotion qui les a amenés à rompre avec le Vatican, à l'époque du pape Alexandre VI, un pape débauché et décadent.
Comme les protestants, la majeure partie des catholiques québécois n’obéissent pas au Vatican. Le Vatican peut donner les ordres qu’il voudra, on s’en torchera le cul ici, même parmi les catholiques. Le Vatican est contre l’avortement, les mariages gais et la pêche à la ligne? Qui s’en soucie au Québec?
Cela me rassure de savoir que même nos croyants ne sont pas très fervents.
Il paraît que c’est la même chose qui se produit chez les Témoins de Jéhovah. Les Québécois ne feraient pas de fervents Témoins. Ils se saoulent la gueule un peu plus souvent que les Témoins des États-Unis : comme quoi l’abstinence ne nous sied guère en tant que communauté humaine. Même nos Témoins finissent par se torcher avec les préceptes de Réveillez-vous! Chassez la nature, elle revient au galop.
Au fond, tout le monde doute.
Très peu vont l’avouer.
Pourquoi?
Parce que le capitaine d’un navire doit faire semblant de savoir où il s’en va, quitte à s’en remettre à des mensonges pour rassurer les matelots anxieux.
Nous sommes, chacun d’entre nous, le seul maître à bord après Dieu.
Nos pensées sont autant de matelots qui nous questionnent jusqu’à la migraine.
Pour les faire taire, on s’en remet à Dieu ou bien au temps qui arrange les choses.
On s’en remettrait aussi aux bouées de sauvetage si le navire devait sombrer.
Comme quoi les prières ne suffisent pas toujours.
Bon, suite à ce long texte-fleuve, je m’en voudrais de ne pas vous quitter sur une note un peu plus optimiste. Allez-voir ça.

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