jeudi 8 septembre 2016

Ils sont polis au Canada anglais

J'ai vécu quelques temps à Vancouver il y a de cela quelques années. J'avais déposé mes pénates dans une petite chambre insalubre de Keyfer Street où il me fallait combattre les souris et les coquerelles. C'était aussi une maison de passe où des prostituées à rabais rapportaient leurs prises pour priser de la cocaïne. Dès que je sortais de ce lieu de perdition je tombais dans le Chinatown. Des moines bouddhistes vêtus d'un drap jaune sollicitaient les commerçants qui leur faisaient la charité sans mot dire. Je dépassais tous les Asiatiques d'une tête lorsque je me promenais dans les parages de Keyfer Street. Je me sentais sur un autre continent.

Je déambulais sur Main Street, puis sur Hastings Street, me faufilant parmi des hordes de paumés à la recherche d'un quelconque paradis artificiel.

Puis, à force de marcher, j'aboutissais au George Stanley Park pour y contempler les cèdres rouges recouverts d'une mousse épaisse, les ratons laveurs gras comme des voleurs et les eaux du Pacifique qui s'y engouffraient.

Tous les gens que je croisais y allaient de salutations bien ressenties.

-Good morning! me disaient-ils, jeunes et vieux, maigres et gros.

-Goude morningue! que je leur répondais avec mon fort accent québécois.

Le monde savait vivre dans ce coin-là de la ville.

***

La même expérience se répéta un peu partout au Canada anglais. Je ne dis pas qu'on me saluait tout le temps. Mais cela se produisait bien plus souvent qu'ici au Québec.

J'ai rapporté de mes voyages au Canada anglais cette propension naturelle à saluer tous les gens que je croise sur les pistes cyclables ou bien dans les sentiers des parcs que je fréquente pour y faire une marche de santé.

-Bonjour! que je dis simplement.

Je ne pourrais pas dire que l'on ne répond jamais à mes salutations. Néanmoins, il me semble que les Québécois sont nettement plus rustres et méfiants que les Canadiens anglais. Cela se ressent aussi sur la route. Il est facile d'être piéton même dans une grande ville comme Toronto. Les voitures s'arrêtent spontanément pour laisser passer les bipèdes. Ne tentez pas de le faire à Trois-Rivières: on vous écrasera, quitte à commettre un délit de fuite.

Les bonjours sont souvent sans réponses ici au Québec et cela m'attriste de constater que mon peuple ne connaît pas les bonnes manières. Le patriotisme, si patriotisme il y a, c'est aussi de reconnaître les pires défauts de son peuple sans chercher à les justifier.

Je me sens toujours un peu aigri quand on ne répond pas à mes salutations. Je me dis que j'ai affaire à d'authentiques imbéciles aussi anxieux que des écureuils roux face à un être humain.

C'est triste et je vous avoue que cela ne m'empêche pas de saluer mon monde, même s'ils regardent partout ailleurs comme s'ils croyaient avoir entendu un canard.

Les Québécois sont souvent rustres et manquent formellement de bonnes manières.

Sans ces bonnes manières, toute tentative de changer quoi que ce soit à nos rapports sociaux est condamnée à l'échec. La révolution, si révolution il y a un jour, ne saurait se passer de bonjours.

L'impolitesse et le manque de délicatesse ne produisent rien de bon.

Ils nous font oublier l'autre.

Ils justifient tous les reniements, toutes les fuites, tous les abandons.

Ils nous rendent médiocres, mesquins et foncièrement mauvais.

***

Je n'irai pas jusqu'à dire que les Canadiens anglais sont des êtres extraordinaires. Il s'y trouve des rustres, des malfrats et des mal torchés comme partout ailleurs. Par contre, on a la nette impression qu'ils font preuve de plus de courtoisie et je dirais même de plus d'humanité dans ces petites choses de la vie qui rendent la vie moins lourde.

Je ne vous cacherai pas mes allégeances indépendantistes. Par contre, je tiens à dire que ce n'est pas le ressentiment ou la haine des Canadiens anglais qui guident mes choix politiques. Au contraire. J'aime les Canadiens de tous horizons. J'aime traverser leurs rues sans me faire écraser. J'aime qu'ils me disent good morning ou good evening quand je les croise sur mon chemin. J'aime leur gentillesse qui n'est pas feinte.

Ces bonjours, pour finir, sont peut-être plus fréquents sur la Côte Nord ou bien en Gaspésie. C'est du moins l'impression que j'en ai. Par contre, les gens entre Montréal et Québec manquent de bonnes manières. À une exception près: Saint-Hyacinthe où les automobiles s'arrêtent pour laisser passer les piétons...

Évidemment, n'allez pas croire que je vous présente ici une étude scientifique.

C'est une réflexion à brûle-pourpoint sur un thème qui continue de me hanter depuis mes premières pérégrinations en territoire anglais.



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