lundi 14 février 2011

Une tonne d'amour sur scène pour la Saint-Valentin

À Trois-Rivières, le Pub 127 a été pour plus d'un fou le dernier refuge des poètes non-institutionnalisés. J'étais du nombre, bien entendu. Nous nous y réunissions pour boire et écouter des verres s'entrechoquer. Nous avons vite compris que personne ne serait choqué par nos vers à cet endroit. Nous y lisions nos poèmes les plus crottés à l'occasion, sans trop de cérémonial, autour d'un pichet de bière, aspirant quelques volutes de fumée qui fait rire cachés derrière l'échoppe, loin du regard des gens honnêtes, sérieux et droits.

D'aucuns sont poètes à leurs heures. Nous étions plutôt poètes aux heures des autres, pour paraphraser Léon Bloy.

L'excellent guitariste Steve Hill y faisait à l'époque quelques prestations enlevantes. Et Alex Poirier aussi, qui est maintenant le chanteur et guitariste du groupe Les Malléchés.

À quelle époque? Oh! Au début des années '90.

Soucieux de faire de la poésie en-dehors du campus universitaire et des institutions sorifiques en cette matière, je me suis dit un beau jour qu'il fallait poétiser pour la Saint-Valentin.

Je travaillais à Montréal à titre de directeur des communications d'un festival.

J'avais envie de me taper mon propre festival avec un autre de mes confrères poètes, Michel-Luc Viviers alias Urbain Pesant, qui avait la particularité d'être encore plus grand et plus gros que moi, ce qui n'est pas peu dire.

C'était un ancien boeuf de l'équipe de football Les Diablos. Quand il faisait office de portier au Trou, le surnom d'un autre célèbre bar trifluvien, il en sortait deux à la fois, un sous chaque bras.

Viviers était un colosse de six pieds quatre pouces. Trois cent cinquante livres de matière plutôt solide. Avec mes six pieds deux pouces, deux cent soixante-quinze livres, je faisais figure de poids plume à ses côtés.

Pourtant, c'est par cet aspect physique que je lui proposai de présenter ensemble un récital de poésie au Pub 127.

-Ça serait quand gros Butch? qu'il m'a demandé.

-Pour la Saint-Valentin, le 14 février prochain... que je lui ai répondu.

Et là je lui lis mon communiqué de presse. Les productions Gros Mammouth présentent au Pub 127 un récital de poésie intitulé «Plus d'une tonne d'amour sur scène». Le récital met en vedette les deux plus gros poètes du Québec, Bouchard et Viviers... -30- etc.

Viviers me dit ok, le brave gars.

L'affiche est particulièrement fuckée. On en pose partout au centre-ville. Puis voilà la soirée de la Saint-Valentin. Tout le monde est là, ou presque. L'atmosphère est surchauffée.

Nous sommes cachés dans notre loge, moi et Viviers. La loge c'est la cave. C'est moi qui vais briser la glace. Viviers a des doutes en me voyant. Je porte au cou un crâne de chien que j'ai acheté dans un marché aux puces. Je me suis déguisé en chamane qui en a trop pris. Et me prends pour Jim Morrison, Rimbaud, Rambo ou bien leur ombre.

-T'es pas sérieux Bouchard? Tu vas pas lire tes poèmes avec un crâne de chien dans l'cou tabarnak? me dit Viviers.

-Oui, que je lui réponds, et même que je l'ai surnommé Saint-François-d'Assise...

Bon. J'ai lu mes poèmes. La foule a ri. S'est émue pour rien. Puis Viviers a lu ses poèmes. Avec son ton à la Cyrano de Tabarnak. Défoulant. Émouvant. Une hostie de belle soirée de Saint-Valentin.

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