dimanche 23 mars 2008

L'ENFANCE DE L'ART

La chrétienté fête Pâques ce matin, hormis les orthodoxes qui vivent encore treize jours de décalage face au calendrier grégorien qui est le nôtre. Pour éviter toute confusion, j'ai plutôt adopté un calendrier qui ne tient compte ni de l'espace ni du temps. C'est un calendrier qui applique les découvertes faites dans le cadre des recherches théoriques menées dans le domaine de la physique quantique. Un jour, tout passera par un trou noir, comme un long spaghetti interstellaire s'étirant à l'infini vers quelque chose d'inconnu.

Si ce n'était que de moi, je repartirais le compteur à zéro. Nous sommes à la première lune du printemps de l'an zéro, tiens. Il fait beau et c'est tout ce que je demande. Tout le reste viendra bien de surcroît...

J'ai ressorti mes couleurs ce matin et j'ai peint une scène bucolique un peu kitsch et, par cela même, réconfortante. Il y a des fruits, des fleurs, un couple amoureux, un oiseau, un étang, un lac...

Je ne deviendrai pas un artiste maudit avec des thèmes aussi peu dramatiques. À moins que je n'ajoute un pendu, au loin, ou bien un noyé dans l'étang, voire un couple en train de baiser derrière les buissons qui se font trancher la tête par des motards, j'sais pas trop.

À vingt ans, je ne faisais que ça, dessiner des absurdités. Je n'ai pas perdu cette faculté. Mais je ne crois pas toujours que c'est de l'art. Donc, je reviens à l'essentiel, à l'enfance de l'art quoi, en dessinant des petits bonshommes pas méchants pour deux sous qui attrapent des fruits et se font des couronnes de fleurs. Ce n'est pas assez hardcore, je le sais. Et je m'en crisse. La souffrance et les larmes, très peu pour moi. D'autant plus que les gens qui souffrent vraiment sont moins lavettes que ça d'habitude. Ceux qui pleurent le plus facilement sont ceux qui n'ont jamais rien vécu. Chaque petite broutille les rend émotifs à l'excès. Ceux qui souffrent vraiment ferment leur gueule et marchent les dents serrés, pour vaincre leur souffrance et revenir au monde des vivants qui se font des couronnes de fleurs tout en mangeant du raisin et des dattes fraîches.

VIVRE AVEC UN COUTEAU ENTRE LES DENTS: C'EST PAS POUR MOI!

Je ne pourrais pas vivre indigné constamment, avec un couteau entre les dents et un drapeau brandi bien haut. Je ne manque pas de courage pour le faire. J'en aurais même trop. Ce qui me manque surtout, dans ce cas précis, c'est l'intérêt.

À force de vivre avec le couteau entre les dents, je finirais par avoir envie de dessiner des fleurs, des femmes, des nuages, n'importe quoi sauf vivre comme un imbécile malheureux vingt-quatre heures par jour, à se faire un passe-temps d'une cause politique ou administrative par exemple.

Oh! Je ne serai pas avare de mon temps pour manifester de temps à autre pour une cause que je pourrais regretter d'avoir soutenu dix ans plus tard... Je suis aussi con que les autres, que voulez-vous, et je ne me suis jamais gêné pour me tromper.

C'est ce qui rend ma peinture si nécessaire à mon équilibre mental, somme toute. C'est ce qui me permet d'affronter mon ignorance et de la pardonner sur-le-champ, parce que je ne suis pas qu'un ignorant, non, je suis d'abord et avant tout... un artiste.

Un artiste! «Ça ne mange pas ben, ben, un artiste. Ça crève de faim!», disaient mes parents, tout à fait à tort.

On n'a qu'à me regarder un peu pour se rendre compte que je n'ai pas de perte d'appétit et n'affronte pas la famine quand vient l'heure de me mettre à table.

Un artiste, croyez-moi, ça peut fort bien être gros, repus et heureux.

Il n'est pas nécessaire de placer un noyé dans une scène bucolique pour être un artiste.

Il n'y aura pas grand chose à psychanalyser dans mes tableaux. Désolé.

C'est à prendre ou à laisser.

C'EST LE TEMPS D'ACHETER MES TABLEAUX

C'est le temps d'acheter mes tableaux. Ils sont encore abordables. D'ici un an ou deux, ils seront hors de prix. Ce n'est pas que je sois Botero, mais c'est évident que ma production n'arrête pas et qu'à ma première exposition tout sera vendu en un clin d'oeil, tellement que je me demande pourquoi exposer et gaspiller du temps de location pour si peu...

Je n'ai pas lu Le millionnaire de Mark Fisher. Je l'ai parcouru pour ne plus me faire embêter par ceux qui l'ont lu. Selon Le millionnaire, on vaut ce que l'on prétend valoir. Tu veux vingt-cinq cents, tu vaux vingt-cinq cents. Tu veux un million, tu vaux un million. That's it.

J'ai toujours compris et appliqué cette règle à la lettre. Je ne suis pas encore millionnaire, mais mon art finira par nous rendre millionnaires, moi, ma famille et mes amis. Je peindrai bientôt des ananas sur une île du Pacifique en récoltant des tas de chèques tous les jours juste pour un petit dessin lamentablement tracé sur une serviette de table souillé de ketchup.

Je sais que ça viendra et cela m'inquiète.

Je me demande si ma famille et mes amis pourront s'habituer à ma vie d'artiste millionnaire...

2 commentaires:

  1. Tu vaux de l'or, mon frère, de l'or...

    CB

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  2. J'étais entrain de me dire ouin, ce gars-là ne se contente pas d'écrire des masses ni d'écrire vrai et vraiment bien. Il peint des christ de belles affaires, des tableaux qui parlent tu-seul, des visages avec des expressions touchantes, ah j'sais pas comment dire je m'y connais peu dans l'art visuel - j'te dirai pas "c'est suuuupâr" comme certains disent vaguement - mais bref, c'est beau et ça me plaît. Vous cumulez les talents, m'sieur Gaétan.

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