samedi 1 mars 2008

L'ART DE LA CHRONIQUE

«L'art de la chronique consiste à aller là où le lecteur ne nous attend pas.» Je tiens cette maxime de mon grand frère. Nous sommes tellement sensés dans ma famille que cela ne m'étonne pas que cela vienne de lui. Il a parfaitement raison, bien sûr, vous vous attendez à quoi?

Entre autres choses, mon frère me racontait qu'il avait cessé de lire un célèbre chroniqueur d'un quotidien montréalais à partir du moment où celui-ci épousa une cause. Quelques temps après, ce chroniqueur perdit non seulement ses lecteurs mais aussi son emploi.

Remarquez qu'on peut perdre l'un et l'autre et avoir parfaitement raison. Il n'en demeure pas moins que l'on devient soporifique à force d'écrire toujours sur le même foutu sujet, comme si l'on était atteint d'une quelconque fixation, état mental qui conduit généralement vers l'asile ou bien une carrière politique.

JEAN-PAUL ARSENEAULT, CHONIQUEUR

Les chroniqueurs que je préfère sont ceux qui savent surprendre. L'un de mes chroniqueurs préférés, quand j'y repense comme il faut, était Jean-Paul Arseneault.

L'homme avait du courage. Il s'était fait congédier d'une station de radio trifluvienne pour avoir dénoncé des cas de négligence dans un centre d'accueil où j'ai moi-même travaillé. Il avait été accusé de libelle diffamatoire alors que tout un chacun savait bien qu'il n'était pas du tout dans le champ. Le malheur voulut que les témoins, des employés de l'établissement, aient abandonné l'animateur par crainte de représailles de la part de leur employeur.

Ça, c'est pour donner la mesure de l'âme.

Je lui ai parlé deux ou trois fois, dans un bar qu'il fréquentait de temps à autres. Un bon Jack, pas de toute. Un géant naturel, comme moi, un bon six pieds deux fabriqué carré.

Ça c'est pour donner la juste mesure de l'homme.

Pour ce qui est du chroniqueur, son style était inimitable, bon enfant, à mille lieues de tout ce qui s'écrivait à ses côtés. Il y avait une part de rêve et de bonheur repus dans ses chroniques publiées un temps par Le Nouvelliste puis, finalement, par un hebdo régional que je ne jetais pas tout de suite aux ordures juste parce qu'il y avait une chronique de Jean-Paul Arseneault.

LES HEBDOS RÉGIONAUX FINISSENT BIEN PLUS VITE AUX ORDURES FAUTE DE BONS AUTEURS...

Je ne sais pas qui fait les études de marché pour les hebdos régionaux mais je peux vous assurer que les bons auteurs sont nécessaires à ce type de commerce.

Prenons moi ou mon frère, tiens.

C'est une honte que nous n'ayons pas une chronique quotidienne dans un quotidien ou bien un hebdo, voire un feuillet paroissial de Trois-Rivières.

Remarquez que je me démerde autrement. Je tiens un blogue et je fais mes simagrées aux côtés de tous ces chroniqueurs qui, franchement, ne valent pas un clou. Et je ne dis pas ça pour me vanter. J'ai du goût. Je sais faire la différence entre un bon vin et de la piquette.

Fuck! je nous lis et je nous trouve super intéressant. On lirait nos chroniques avec délectation, je vous jure, juste avant d'aller lire les annonces de boeuf haché.

J'en connais d'autres dans le patelin qui feraient aussi d'excellents chroniqueurs. Michel Châteauneuf, Guy Marchamps, Maurice Fournier et Réjean Bonenfant devraient aussi avoir leur chronique. Véronique Marcotte itou. Sans oublier l'indicible ***, le seul vrai artiste maudit que je connaisse dont je dois absolument préserver l'anonymat de crainte qu'il ne me pète la gueule pour lui avoir fait une publicité dont il ne veut absolument rien savoir. (Je suis son agent littéraire et il sortira de l'anonymat pour pas moins de 100 000$. Là-dessus, j'aurai mon 20%. Avis aux intéressés. Je ne compte pas des pipes.)

DES TALENTS QUI DORMENT, DES CHRONIQUES QUI ENDORMENT...

Il y a des talents locaux sous-utilisés.

Dans le domaine de la presse imprimée trifluvienne, on publie des chroniques qui semblent tout droits sortis de vieux épisodes de la télésérie The Brady Bunch, un truc populaire du temps où l'on faisait des murs en plywood et portaient des souliers Patof. Ça manque d'audace en sacrement, c'est moi qui vous le dis. Hostie que ça peut être plate!

Deux exceptions malgré tout: Marc Rochette et Jean-Marc Beaudoin. Il y a du métier et du talent, au sens strictement littéraire, c'est-à-dire au plan le plus important du médium employé, l'art d'écrire!

REPUBLIONS JEAN-PAUL ARSENEAULT SVP!

Pour ce qui est de Jean-Paul Arseneault, j'attends avec impatience une publication de ses meilleures chroniques.

Je suis sûr qu'il y a de la matière pour un beau livre dans le cadre des Fêtes du 375e.

Une autre idée me vient à l'esprit, tiens, un livre qui s'intitulerait «Marginaux de Trois-Rivières» où des auteurs raconteraient des vraies légendes vivantes de Trois-Rivières, des personnes exceptionnelles qui se démarquent par leur originalité et leur impact sur la psyché populaire: le Capitaine, la femme aux sacs, Pops, Méo, Tahu, Avance-Recule, etc. (Je vous en reparlerai, promis!)

Je connais des originaux en ville qui confèrent à notre belle cité des airs de Cour des Miracles. Leur histoire m'a toujours semblé plus intéressante que celle de tel ou tel Trouduc qui s'est bien rempli les poches et raconte comment se remplir les poches. Ça, on voit ça partout sur la planète. C'est un mal nécessaire, je veux bien le croire. Cependant, ce n'est pas Trouduc qui doit occuper l'espace culturel. Ne parler que de chiffres, à mon avis, c'est sans intérêt. Pour faire de l'argent, ça prend de la culture. C'est ce que vous dirait probablement un directeur d'usine japonais.

JE SUIS UN CHRONIQUEUR, HOSTIE, PAS UN ACTUAIRE!

Il faut être un parfait idiot pour croire que l'on va rejoindre son public juste avec des photos de steak haché. Surtout de nos jours, avec l'Internet. Toute entreprise de publication d'imprimés est fatalement condamnée à terminer aux ordures au moins dix fois plus vite que l'an passé, chaque année. Je n'ai pas de chiffres et je n'en ferai pas. Je me permets de croire que j'ai du pif et ça me suffit. Je suis un chroniqueur, hostie, pas un actuaire!

Et je suis un christ de bon chroniqueur trifluvien, lalalè-reu!

1 commentaire:

  1. Mis à part le fait que la modestie ne vous étouffe pas, ce texte me fait réfléchir...

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