Ma curiosité intellectuelle a toujours été mal servie dans les milieux huppés.
Je ne dis pas ça comme je dirais que les raisins sont trop verts parce que je ne peux pas les atteindre.
Je connais ces milieux et m'y suis toujours royalement emmerdé. Dérouler des chapelets d'idées reçues à réciter des «intelligence quand tu nous tiens», «Dieu est mort disait Nietzsche» ou «il importe d'être pro-actif», cela m'a toujours donné l'envie de me saouler la gueule jusqu'à en exploser de rage et d'indignation.
J'ai cessé de boire depuis belle lurette. J'ai dû me tenir à l'écart de la bourgeoisie pour raison de santé.
Mes amis sont à peu près tous des paumés, des perdants, des pas beaux. Les gagnants sont ennuyants et ceux qui lèvent le nez sur les paumés sont généralement des trous du cul de première catégorie.
Rien ne remplace l'expérience humaine d'une vie vécue avec intensité. Les bourgeois écartent généralement l'intensité de leur vie pour se contenter de vivre de phrases toutes faites répétées ad nauseam.
Quand je parle à un bourgeois, je finis toujours par baîller d'ennui.
Avec un pauvre, c'est fou ce que je peux apprendre. Comme si le don de la curiosité intellectuelle était inné à ceux qui n'ont rien. Ceux qui ont tout ne veulent rien perdre et critiqueront systématiquement toute idée qui risquerait de miner le sol sur lequel s'établissent leurs châteaux-forts. Si la vérité menace les fondations de leur privilèges, ils renieront les faits avec emportement. Rien ne peut exister que leurs illusions.
Les pauvres aussi s'en font, mais c'est pour espérer. Leurs illusions ne sont pas celles de froids calculateurs. Ce sont des illusions bien humaines, pas des lubies qui permettent d'occuper les meilleurs sièges.
J'ai plus appris des paumés que je n'ai appris des bourgeois.
Parmi les bourgeois, je n'ai eu qu'à ouvrir quelques livres pour faire le tour de la question. Je me suis rendu compte assez vite que les bourgeois font semblant de lire.
Parmi les paumés, chaque rencontre était une fête de l'esprit, toutes les possibilités étaient ouvertes, toutes les idées étaient recevables, discutables et vérifiables par l'expérience.
Une lecture de Dostoïevski, chez les paumés, est l'occasion de questionner l'univers. Chez le bourgeois, elle ne se résumera qu'à énumérer ses traducteurs, ses éditeurs, ses ennemis politiques...
Bien sûr, je caricature. Il existe des bourgeois intéressants, des aristocrates qui crient dans le désert des cinq à sept bourgeois. Des aristocrates paumés qui se saoulent la gueule pour survivre dans ce milieu ronflant. Je les plains.
Je vous recommande deux lectures pour comprendre l'esprit bourgeois dans toute son étendue: Le dictionnaire des idées reçues de Gustave Flaubert et Exégèse des lieux communs de Léon Bloy. Le bourgeois y passe à la moulinette.
Comme il y passe aussi dans cette chanson.
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