Je connais Abdel depuis un lustre. C'est un bon Jack originaire de Bosnie-Herzégovine. Il est de confession musulmane mais il n'en fait pas un tapage publicitaire. Et même qu'il en ferait que je m'en foutrais un peu. Je n'exige pas plus d'un humain que d'un autre. Ma conception de la société repose sur l'idée fondamentale d'un État de droit qui protège les personnes des condamnations arbitraires. Je ne suis donc pas tout à fait un anarchiste, bien que je ne milite pour aucun parti politique.
Mais ne parlons pas trop longtemps de moi. Mon blog regorge de propos narcissiques que vous pourrez lire dans vos temps vraiment perdus.
Je vais plutôt vous parler de mon bon chum Abdel.
D'abord, il faut dire qu'il ressemble vaguement à Maurice Richard. C'est un gars solide sur ses épaules qui a fait deux ans de service militaire en ex-Yougoslavie.
On pourrait croire qu'il est du Lac St-Jean si ce n'était de son accent slave qui fait tout son charme auprès de nous. C'est comme voyager à peu de frais que d'entendre parler Abdel. Et le rire n'est jamais loin parce que, dans son coin de pays, on ne se fait pas que la guerre.
L'autre jour, Abdel me racontait qu'il existe un petit village dans son pays natal où un type un peu bizarre est persuadé de rouler en Mercedes alors qu'il enfourche un simple bâton. Tout le village s'est pourtant prêté à son jeu plutôt que de se moquer de lui. On a mis un sigle de Mercedes au bout de son bâton. Les policiers font semblant de lui donner des contraventions quand il est mal garé. Bref, il fait partie de la communauté qui, sous cet aspect, n'en devient que meilleure.
Nous avons aussi nos originaux et nos détraqués au Québec. Louis-Honoré Fréchette en a même fait l'un des plus grands livres de la littérature québécoise. Il y a chez les originaux et détraqués cette marque d'acceptation qui rend parfois l'humain plus grand. Cette ouverture à l'autre, à la différence, à la plus foudroyante des marginalités s'il le faut. Comme celle de feu mon chum Sylvain qui s'était fait mettre du botox sous le crâne pour se donner des cornes en harmonie avec sa langue fourchue épinglée de mille et un quossins. Il gagnait des prix dans des salons d'écorchés vifs à faire peur. Ça lui faisait du blé en plus des tatouages et piercings qu'il faisait.
Bien sûr qu'Abdel n'est pas un détraqué. Mais moi je le suis. Je veux dire que je suis un personnage de bande dessinée. Le marginal, eh bien c'est toujours un peu moi. Et je comprends cette pression sociale qui nous ferait haïr même notre droit d'exister. Je comprends ce que c'est que de se faire baver par des ploucs et des péquenauds.
Cela dit, je digresse encore. Parce que je ne maîtrise aucune stratégie.
Comme Abdel. Un vrai feu. Un artiste. Un gars qui te calisse un coup de pied dans une porte quand elle est fermée au lieu de chercher ses clés. C'est con. Mais c'est vivifiant.
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J'avoue avoir un faible pour les gens passionnés et flamboyants.
C'est sans doute un défaut que je partage avec Abdel.
Hier, j'ai demandé à Abdel pour qui il allait voter aux élections.
Je sais d'avance qu'il ne voterait pas pour la CAQ ou le PQ pour les mêmes raisons que moi. QS ne l'inspire pas trop à cause de l'idée de la séparation en laquelle il ne croit pas pour des raisons que je partage en partie avec lui. D'autant plus que sa fille enseigne le français en Ontario avec son accent du Lac St-Jean. Elle m'a d'ailleurs dit que là-bas les francophones revendiquent de plus en plus de services et des écoles en français d'où un manque d'enseignants à combler. Elle m'a dit que les Nords-Africains francophones défendaient farouchement le fait français en Ontario et, à vrai dire, ça m'a fait chaud au coeur de savoir que la fille d'Abdel était missionnaire française en Ontario...
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Abdel va voter pour le Parti Vert à Trois-Rivières.
Le candidat du Parti Vert, Aziz, est un christie de bon gars. Je suis sa carrière depuis un bout. Il travaille dans une maison pour itinérants. Je sais qu'il porte un idéal pour la communauté.
Je connais aussi la candidate du PQ, une bonne personne pour qui j'avais de l'estime lorsqu'elle était au conseil municipal face au maire Yves Lévesque. Malheureusement, sa formation politique suscite les craintes de mon ami Abdel. Et je comprends ses craintes.
Pour ce qui est de la CAQ on n'en parle même pas.
Et pour QS, eh bien la souveraineté est sans doute un boulet pour rejoindre le vote des citoyens issus de l'immigration. D'autant plus que bon nombre de péquistes influents ne cessent de siffler les chiens pour qu'ils aillent mordre les mollets des minorités. Les autres péquistes préfèrent se taire par stratégie, ce qui en dit long sur leur absence de valeurs ou de principes.
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Abdel ne votera pas pour le PLQ. Moi non plus. Mais on en vient à souhaiter que le PLQ soit réélu plutôt que d'avoir à composer avec des politiques identitaires qui pueront la xénophobie et feront en sorte de peinturer dans un coin les Québécois au reste du Canada et du monde.
Mon père m'aurait certainement cité Arthur Buies pour les élections qui s'en viennent.
Buies qui écrivait, de mémoire, que les Anglais apprennent à lire et à compter tandis que les Canadiens-Français apprennent l'histoire et le petit catéchisme...
Abdel va sûrement «perdre» ses élections. Le Parti Vert a peu de chances à Trois-Rivières. J'espère que Aziz se présentera maire de Trois-Rivières. Ou Marie-Claude Camirand. Voire la fille de Abdel si elle revient. Fatima pourrait vous charmer avec sa gueule de punk, Lizbeth dans Millenium, et son accent du Lac St-Jean.
J'ai encore des chances de «gagner» les miennes.
Je crois encore en la possibilité d'un gouvernement Québec Solidaire majoritaire.
Deux semaines c'est une éternité en politique de nos jours.
Même Abdel est d'accord avec ça.
Même s'il rajoute que les politiciens sont tous des hosties de crosseurs et de mangeux de marde.
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