Sa chaise craquait.
Elle craquait toujours.
On entendait un bruit sourd de réfrigérateur et de multiples
ventilateurs servant à refroidir diverses machines.
La chaise craquait par-dessus tous ces bruits devenus
imperceptibles à force de les entendre.
C’était un peu comme vivre avec un acouphène permanent.
Il
avait presque fini par s’y faire.
Jusqu’à ce qu’il craque.
Il n’était vraiment plus capable de
l’entendre craquer.
Il a enfourché son
vélo et a franchi les 15 kilomètres qui le séparaient d’un endroit peu
fréquenté, pratiquement inhabité, en bordure d’un plan d’eau dont il nous faut
taire le nom pour des raisons bien évidentes.
À cet endroit, il n’entendait plus sa chaise craquer. Ni les
bruits des frigos ni ceux des autos. C’était le calme plat. La bise qui
soufflait dans ses cheveux. Le chant des oiseaux. Quelques poissons qui venaient
renifler en surface.
Puis il fallut rentrer.
Le bonheur n’est jamais éternel.
Chez-lui, il y avait toujours sa chaise qui craque.
Puis le bruit sourd du frigo et de toutes les foutues
machines qui servent à emmerder la quiétude des braves gens.
Il s’est mis les Gymnopédies d’Érik Satie pour étouffer tous
ces sons et se créer une bulle de beauté dans la petite boîte carrée qui lui
servait de salle d’attente.
Avec sa chaise qui craquait.
Comme s’il avait un acouphène.
Alors qu’il n’en avait même pas…
Aucun commentaire:
Publier un commentaire