C'était la veille de Noël et il ne neigeait pas.
Le temps était maussade malgré les luminaires et autres décorations soulignant la nativité d'un type qu'on avait fait passer pour un messie à une autre époque, dans un autre pays qui vivait sous d'autres moeurs. Plus personne ne marchait sur les eaux depuis ce temps-là. Plus personne ne recouvrait la vue après des formules magiques. Et si l'on changeait encore l'eau en vin, c'était avec des procédés industriels qui enrichissaient quelques hommes rationalistes et froids comme une formule chimique.
Tout le monde s'accorde pour dire au Québec que Noël doit être blanc. Un Noël dans la gadoue n'a rien pour se prêter aux réjouissances, dusse-t-on s'affirmer comme le plus païen d'entre tous.
Une autre bonne raison de ne pas se réjouir est de se retrouver tout fin seul à la veille de Noël ou bien de n'importe quelle autre journée d'une année sainte ou pas.
Charles Badluck Malenfant était du nombre de ces âmes errantes qui parcouraient les trottoirs de la ville au lieu de s'ennuyer tout fin seul dans sa maison de chambres mal aérée aux odeurs rances de mauvais tabac et de petits pieds.
La veille de Noël, son horaire habituel se trouvait quelque peu perturbé. La bibliothèque municipale était fermée. Les épiceries et les cafés fermaient aussi autour de dix-sept heures pour permettre à leurs employés de célébrer. Il ne restait, à toutes fins pratiques, que le Munchin' Donuts.
Charles traîna sa défroque jusqu'à ce lieu légendaire pour ingurgiter un café en se donnant l'impression de faire lui aussi partie de la communauté humaine.
Au Munchin' Donuts, on ne peut pas dire qu'il y avait foule à la veille de Noël.
Il s'y trouvait quatre personnes, plus la serveuse et l'aide-cuisinier.
Une vieille tremblait de tout son corps en prenant son café. Elle en renversait la moitié sur la table. Et elle parlait toute seule.
-Ma tante Arthémise disait ça mais en seulement que moé, moé là, j'y disa que c't'ait pas d'même qu'on fasa ça...
Il y avait aussi un jeune homme qui portait un capuchon sur sa tête comme s'il pleuvait en-dedans. Lui aussi parlait tout seul.
-Ah menum! Ah menoum! Ah minim!
On ne comprenait rien à ce qu'il disait et probablement que lui-même n'aurait pas su dire ce qu'il marmonnait sous ses pupilles dilatées de consommateur de crystal meth.
Un vieux monsieur bien habillé, mais avec un regard extrêmement triste, faisait des mots croisés sans rien dire.
-...
Et puis il y avait une femme qui regardait fixement Charles dans les yeux. Elle n'était ni laide, ni belle, ni normale.
-Qu'est-ce qui se passe hein? qu'elle lui demanda. Dis-moé don' qu'est-ce qui s'passe?
-I' s'passe rien, répliqua Charles en ingurgitant une gorgée de café.
La femme cessa de parler et se contenta ensuite de regarder dehors en jouant avec son bâtonnet pour mélanger le café.
Au bout d'une demie heure, Charles quitta le Munchin' Donuts avec une étrange sensation d'inutilité qui lui collait autant au coeur qu'à l'esprit.
Il était dix heures le soir et une fine neige commençait à tomber.
C'était au moins ça.
Ce Charles était peut-être dans un autre mood ?
RépondreEffacerA moins que ce ne fût elle ?
ou les deux ?
Le lendemain apportera peut-être une autre fine neige magique , sainte , qui , celle-là , les fera peut-être se rencontrer au m^me Donuts ?
Ou pas -
La vie nous réserve bien des surprises -
De toutes façons , très joyeux Noël à ces deux-là , frère et soeur de la vie simple ! Ils connaîtront le paradis !
( les amoureux , sur les bancs publics ... / Georges .. )
@ Monde indien: La vie vaut bien une beigne... (Petite différence linguistique entre la France et le Québec. On dit une beigne pour signifier un beignet. Vous dites une beigne pour exprimer l'idée d'un coup de poing sur la gueule... Idem pour les gosses. Les gosses, pour un Français, ce sont des enfants. Pour un Québécois, les gosses sont des testicules. Aussi, le Québécois moyen trouve que le Français moyen est un authentique acrobate lorsqu'il dit: "tous les jours, j'embrasse ma femme et mes deux gosses!"...)
RépondreEffacerQui sait , nous sommes peut-être des acrobates sans le savoir - je ne doute pas que vous ne fassiez aussi quelques acrobaties merveilleuses -
RépondreEffacer;)
Pour info :
c ' est la première année que nous avons une température d ' hiver anormalement douce - d ' habitude à cette date nous tournons autour de 5 ou 8 degrés celsius - cette année nous en sommes à 16 degrés - on se croirait au mois d ' octobre -
Joyeux Noël à toutes et tous les tiens , et toi -
@Monde indien: Idem pour nous... C'est inquiétant. On annonce 13 Celsius pour Noël... Les centres de ski sont fermés. La pêche sur glace est impossible. Tout l'hémisphère Nord est en train de fondre...
RépondreEffacerPar contre, il fait 0 Celsius aujourd'hui et il vient de tomber 5 cm de neige. Ce n'est pas encore un gros hiver. Mais c'est mieux que rien.
Mon pays, sans l'hiver, ne serait que trop triste... Ayons pitié de nos hivers blancs et froids!