jeudi 25 décembre 2014

Le gars qui n'était pas une merde dans un bas de soie

Il était une fois un gars dont l'histoire n'a pas retenu le nom. C'était un gars tout simple qu'on n'aurait même pas reconnu dans la rue parce qu'il n'avait rien de spécial ni d'argent pour se mettre à l'avant-scène comme se plaisent à le faire tant de trous du cul qui s'ignorent.

Ce gars-là aurait donné sa chemise même si elle était sale et trouée, dans la mesure où il en avait au moins deux, c'est-à-dire une de trop.

Jamais il ne parlait contre qui que ce soit, sinon contre les politiciens qu'il trouvait menteurs, stupides et bêtes comme à peu près tout le monde, ce qui n'était pas en soi très original. Tout le monde se doute bien que les politiciens sont des merdes dans des bas de soie, pour reprendre l'opinion que Napoléon avait de Talleyrand. Napoléon ne valait guère mieux, sans doute, mais Talleyrand demeurait tout de même une merde dans un bas de soie. Ce qui permet aux merdes dans un bas de soie contemporaines de le tenir en haute estime pour une raison qui échappe au commun des mortels. La raison d'État ou la raison des tas, ce n'est compréhensible que pour les merdes dans un bas de soie.

Bref, pour revenir à ce gars tout simple, c'était un gars qui détestait les politiciens comme tout un chacun et qui donnait sans se vanter de ce dont il partageait. Il ne s'achetait pas une pleine page dans le journal pour dire qu'il avait donné. Évidemment qu'il n'aurait pas eu l'argent ni l'intérêt pour le faire, au contraire de toutes ces merdes dans un bas de soie, parmi lesquelles on peut aussi compter les gens d'affaires et autres incultes qui écoutent les Violons du Roy en faisant semblant d'aimer ça.

Ce gars-là aimait bien la musique classique, paradoxalement, mais il l'aimait parce que ça lui permettait de préserver un certain calme dans son esprit trop sensible et trop généreux pour qu'il fasse un jour partie de la secte des 1% qui accaparent les richesses du monde  comme d'authentiques merdes dans un bas de soie.

-J'aime ça Mozart, qu'on l'avait entendu dire quelques fois.

Ses nom et prénom sont difficiles à retenir. Certains l'appelaient Bob, d'autres Henri. Il n'aurait pas été étonnant qu'il s'eût appelé Mao, voire Christophe-Alain.

Il demeurait dans un petit logement ouvrier, près de l'église Saint-Irénée, dans le secteur du Cap-de-la-Madeleine à Trois-Rivières.

Il travaillait on ne sait trop où, à gauche et à droite, à la faveur ou bien à la défaveur des événements qui se passaient autour de lui.

Je vous dis ça parce qu'il est mort la semaine dernière. Personne n'était vraiment à son enterrement parce qu'on ne savait même pas son nom. La rubrique nécrologique oublia de publier son visage. Ce qui fait qu'il est parti sans dire salut.

Tout un chacun conserve de lui un beau souvenir, même si c'est difficile d'en dire long à son sujet.

On dit de lui qu'il était fin, gentil. aimable, secourable, etc.

Hormis Jean-Claude qui prétend l'avoir connu dans sa jeunesse alors qu'il l'aurait surpris en train de casser la vitre d'un dépanneur dans un geste tout aussi gratuit qu'inutile.

Jean-Claude est réputé pour ses mensonges. Il est possible que ce bon gars-là n'ait jamais fait ça.

L'eusse-t-il fait que ça ne changerait rien à l'opinion de tous ceux et celles qui l'ont croisé à un moment ou l'autre de leur vie.

Ce gars-là, je vous le répète, n'était pas une merde dans un bas de soie.

Et c'est pourquoi je profite du jour de Noël pour saluer sa mémoire, bien qu'elle soit peu consistante et trouée comme un fromage gruyère.

Amen.

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