Victor-Lévy Beaulieu, alias VLB, fait partie de ces auteurs
que j’ai longtemps pris en grippe pour son nationalisme outrancier et ses
téléromans largement diffusés.
L’image que je me faisais de lui est maintenant devenue l’image
que je me fais de moi-même : un habitant d’un quelconque terroir qui
gueule sur son perron dans ses combines à panneau. *
Sachez que je m’en réjouis. Le rôle de patriarche en
combines à panneau me sied tout aussi bien qu’à VLB. Et je le dis en tout
respect pour lui. Même si je ne sais pas comment m’y prendre pour ne pas
froisser l’orgueil de quiconque n’est pas moi.
Je fréquentais peu VLB avant que je ne me rende compte que
mes préjugés me confinent moi aussi au rôle peu fréquentable de roi des cons.
VLB est un auteur qui ne craint pas d’exprimer son point de
vue, aussi déjanté soit-il. Il est bien plus facile de toujours se la fermer pour
se faire entuber docilement sans entamer ses privilèges. Mieux vaut profiter de
ces rogatons que l’élite balance aux crève-la-faim pour leur rappeler qu’ils méritent
d’être traités comme des chiens.
Ne dites rien et il ne vous arrivera rien : pas de bonheur
ni de malheur, comme dans la chanson de cet autre escogriffe, ce dénommé
Richard Desjardins, poète de l’Abitibi et des gars qui couchent dans leur char
après que le prix du minerai de cuivre soit tombé.
Dites quelque chose, osez l’écrire, et il se trouvera des
milliers de rats pour vous gruger l’extérieur puis l’intérieur, seulement pour
se donner de la densité sans avoir à créer du nouveau à partir de toute cette
vacuité et cette fatuité qu’ils bringuebalent en eux-mêmes comme d’ignobles
maquignons au regard bouffi de jalousie et de convoitise.
Je me suis réconcilié avec VLB depuis que mon frère aîné m’a
donné Pour saluer Victor Hugo. J’y ai découvert un auteur qui, à l’instar des
Jules Vallès, Maxime Gorki ou bien Pierre Vallières, puisait sa littérature à
la source d’une enfance ayant baigné dans la pauvreté. La culture, c’est de l’or
en barre quand tu n’as pas une calice de token. T’as beau japper que t’as aussi
besoin de beauté et de sucre pour nourrir ton cabochon.
C’est bien ce que je suis moi aussi. Je suis un chien, comme
VLB. Un cynique malcommode qui hante les jours comme les nuits d’une
civilisation qui méprise tellement la culture que l’on doit faire de la
contreculture pour se donner l’impression d’y cultiver quelque chose en
attendant que passe l’Âge des Ténèbres.
Je détestais en VLB ce que je suis intrinsèquement : un
hostie de malade qui gueule à propos de tout et de rien, les guéguettes en l’air,
toujours prêt à s’en prendre à quelque politicien ou bourgeois plein de marde,
lesquels foisonnent dans la plupart des organisations humaines où l’on prend un
malin plaisir à ne pas faire de place à tous les Ovide Plouffe du monde entier.
L’horreur que m’inspire l’injustice sociale est
plus forte chez-moi que le sentiment d’appartenance à quelque idéologie ou
secte que ce soit, y compris VLB ou le pape. Cela me porte à avoir des
jugements tranchants qui ne rendent pas ma bile plus digeste.
Évidemment, vous vous demandez où je veux en venir avec VLB,
hein?
Eh bien je n’ai pas seulement lu Pour saluer Victor Hugo,
mais aussi Jos Connaissant et ses deux plus récents ouvrages, Désobéissez! ainsi
que Bernard Rambo Gauthier, tous deux publiés aux Éditions Trois-Pistoles.
VLB a un style bien à lui, un peu gonzo sur les bords, qui
peut rappeler parfois Hunter S. Thompson, en ceci qu’il s’expose autant que son sujet. J’ai ce même défaut, un vice pas tout à
fait caché et généralement bien assumé.
Dans Désobéissez!, VLB nous ramène tout un lot de bonnes
raisons pour péter sa coche quant aux supercheries qui se font au nom de la
défense d’un sacro-saint système de marde. Ces raisons dussent-elles s’appeler
Thoreau, Tolstoï ou Gandhi qu’on comprend qu’il faut surtout qu’elles portent
nos propres noms, notre propre histoire, notre engagement au détriment de la
raison et de l’instinct de conservation.
Dans sa biographie sur le syndicaliste Bernard Rambo
Gauthier, VLB transite de la théorie vers la pratique. Ce gars-là, Bernard
Rambo Gauthier, est loin d’être une charogne. Il apparaît plutôt comme un grand
homme, de la trempe des Michel Chartrand, de ceux qui ne laissent pas les
travailleurs se faire empissetter par les filous, les frileux et autres larbins de ces temps de
capitalisme sauvage.
Comme tous les gosses de pauvres, il m’arrive moi aussi d’avoir
des bonnes manières. Je me suis déjà surpris à crisser des gros coups de
doigt dans le front d’abrutis qui commettaient quelque acte malfaisant. Je me retiens, bien entendu, mais je ne peux
pas garantir mon impassibilité devant l’injustice et l’oppression. J’ai une façon très charnelle de pratiquer la
charité, à grands coups de doigt dans le front des matamores s’il le faut. Il
vient un temps où les intellectuels ne se mettent pas nécessairement les pieds
dans la boue pour défendre réellement les veuves, les orphelins et autres gars
tout autant dans la marde. La justice passe parfois à grands coups de doigt dans le front au pays des bandits à cravates qui ne se salissent pas les pieds sur les chantiers.
Quand on crosse les gars du local 791, des gars avec des
bras gros comme des troncs d’arbre, comme mes hosties de gros bras à moi-même,
je me dis que c’est normal que ces hommes réagissent comme… des hommes. D’où la
défense des travailleurs de la Côte-Nord pour l’octroi des contrats qui passent
par la Côte-Nord. Avec la garantie de respecter les conventions établies :
temps supplémentaire, sécurité au travail, tous ces petits détails sur lesquels
seuls des crapules peuvent songer à y trouver des économies, au détriment de la
santé et même de la vie des travailleurs.
Franchement, Rambo est un bon homme, pas parfait, mais
indigné comme tout homme se doit de l’être s’il vient d’une famille pauvre et
qu’il a un peu de cœur au ventre.
Comme VLB.
Comme vous et moi.
Comme Nous.
_____
*Combine à panneau : je rappelle à mon lectorat russe
et ukrainien qu’une combine à panneau est un sous-vêtement d'une seule pièce qui recouvre le corps et les jambes. Les combines à panneau sont populaires dans les champs comme au hockey. Elles permettent de déféquer en se contentant de détacher les deux boutons
qui retiennent ledit panneau situé à la hauteur du troufignon.
Ben non , tu dis pas des conneries !
RépondreEffacerOn a souvent cette impression parce qu ' on n ' a pas trop de répondant à ce qu ' on dit -
Ouh ouh , ya quelqu ' un ?
Bon , on a aussi notre dose de connerie - moi le premier ( e t quelle dose ! ) - c ' est vrai ! - avec un peu d ' humilité de le reconnaître , c ' est déjà un peu moins con -
Il ne faut pas perdre de vue que ce silence assourdissant qui ne répond pas à nos paroles , est le fait d ' une connerie encore + grande que la nôtre ! Et quelle connerie ! celle de l ' égoïsme et de l ' individualisme forcenés !!
Mais SURTOUT n ' oublions pas que de temps en temps - m^me si c ' est rare - nous faisons de vraies rencontres autour de ces paroles , ou d ' autres choses - C ' est CA qui compte !!!!!