vendredi 2 août 2013

Un récit d'enfance pour je ne sais trop quelle raison

C'est une journée chaude du mois d'août.

Ma mère est déjà à l'ouvrage. La station de radio AM CJTR fait tourner les Beatles, Jacques Michel ou Roger Whitaker.

J'ai pris un copieux déjeuner, une montagne de céréales Capitaine Crounche avec des tranches de fromage cheddar Des Coteaux épaisses comme des morceaux de deux par quatre. Tout cela arrosé de larges rasades de jus d'orange ou de raisin, à la grande satisfaction de mon père qui m'encourage à me servir encore et encore tout en me vantant les exploits de Louis Riel et Louis Cyr.

-Arrête de l'faire manger comme ça Conrad! I' va exploser! C't'un puits sans fonds Gaétan tu dois b'en l'savouère! d'ajouter ma mère qui tient le rôle de l'équilibre et de la sagesse en pareille occasion.

-Voyons don' ma Jeannine d'amour! I' faut pas qu'i' d'viennent des p'tits poulets pour qu'i' sachent se défendre dans 'a vie!

-Ah toé pis tes z'affaires!

Évidemment, mes parents ne tardent jamais à se réconcilier. Ce qui nous permet de croire en une certaine perpétuité de l'amour.

Je les laisse s'aimer, cette fois-là comme toutes les autres. Puis j'enfourche mon vélo, lequel imite vaguement un motocross. Il n'a pas de vitesse. On freine par un mouvement de recul du pédalier. Je suis tout de même assez solide pour rouler jusqu'aux Vieilles-Forges du St-Maurice, quinze kilomètres plus haut, s'il le faut vraiment.

Cette fois-là, je passe mon tour pour les Vieilles-Forges. Il y a des tas de bleuets sous les tours électriques du boulevard des Prairies, quinze kilomètres plus loin à Cap-de-la-Madeleine. Je prends mon sac à dos, une bouteille d'eau et un gros contenant en plastique vide de crème glacée engloutie en famille la veille.

On recommande de nos jours de ne pas manger les petits fruits qui poussent sous les tours électriques. Dans ce temps-là, il faut dire que je n'en savais rien. Je constate que les bleuets ont l'air plus gros et plus abondants sous les tours.

Après avoir pédalé un bon coup sur mon petit vélo simili motocross, j'arrive pas mal fatigué au Saint-Graal du cueilleur de bleuets. D'abord, je me bourre la face. J'avale sans mâcher des quantités de bleuets électriques. Puis je profite de ma relative satiété pour remplir mon gallon de plastique.

Je reviens à la fin de la matinée juste à temps pour le dîner.

Ma mère est fière de tous ces beaux bleuets avec lesquels elle nous fait des tartes.

Mon père écoute The Price is Right à la télé et il essaie de deviner le prix des mille et un trucs présentés par le trop facilement imitable Bob Parker.

Pour dîner, il y a du blé d'Inde, du jambon et des frites. Je me gave encore, comme d'habitude.

Un petit roupillon s'ensuit, interrompu par mon père et ma mère qui nous emmènent nous baigner à l'énorme piscine extérieure du Parc de l'Exposition, une des plus grandes en Amérique imaginez-vous donc.

J'y fais des longueurs, des plongeons, des bombes. Puis je me fais bronzer un tant soit peu en reluquant les filles.

Avant que de revenir à la maison, nous nous arrêtons au kiosque de crème glacée molle.

On joue ensuite une partie de Mille-Bornes à la maison. Mon père s'est fait des beurrées de margarine à la cassonade, une collation de son enfance qui trahit un tant soit peu sa pauvreté. Du coup, on en veut tous.

-Moé 'ssi j'en veux des beurrées d'castonnade!

Et le bonhomme d'y aller d'une dizaine de beurrées de cassonade minimum pour tous ses gros canetons.

On soupe. Il y a encore de la tarte aux bleuets au menu ainsi que des club sandwiches.

Petit roupillon après le souper.

Puis, avant que de s'écraser devant la télé, je pédale avec mon père jusqu'au jardin communautaire. Nous y avons un petit lot pour faire pousser des patates, des tomates, des concombres et des petites fèves vertes. Le jardin communautaire s'étend sous les tours électriques et produit des légumes tout aussi gros que les bleuets que j'ai ramassés le matin. J'aide mon père à arroser et à désherber.

De retour à la maison, je prends un bon bain puis je m'écrase dans mon lit devant un ventilateur.

Je suis plein comme un boudin et sûr que je ferai encore de beaux rêves puisqu'il y a encore des tas de bleuets à cueillir, et peut-être même des mûres...

Miam... Hum... Zzzzz....




6 commentaires:

  1. N'était du passage sur les beurrées de cassonade, le lecteur soupçonnerait pas que t'avais des frères, qui bouffaient tous autant que toi, héhé. T'as déjà écrit de bouleversantes lignes sur la cuisine de votre mère, qui n'arrêtait jamais, et tes regrets au souvenir de la façon dont vous avaliez tout comme... ben, comme des garçons, I guess.

    Ton bécyk, c'est une coïncidence drôle, on en évoquait juste là le semblable chez Pat Caza, lui dans son billet, puis moi en comm. C'est un Duomatic que tu décris, et y avait deux vitesses, au sens où si tu rétropédalais juste une tite affaire, pas assez pour breaker, juste pour activer le dérailleur, la chaîne changeait de gear. Ça, c'était du bécyk!

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  2. Nous sommes quatre gars et tu as raison de préciser que je ne le précise pas. Fallait que je leur vole la vedette sans doute. Ce texte pourrait être revu si je ne m'en calisse pas trop.

    ***

    Mon bécyk simili-motocross était un Raleigh de couleur rouge à une seule vitesse avec un genre de siège banane noir. Toute la P'tite Pologne roulait en Duomatic à Twois-Wivièwes mais pas moi.

    Je voulais leur montrer mon caractère et mon unicité.


    Je te renvoie sans gène vers l'un de mes textes qui rappelle le climat d'enfer mécanique qui régnait dans mon patelin.

    http://blogsimplement.blogspot.ca/2008/07/lt-la-ceinture-et-lenfer-mcanique.html

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  3. Butch... Ce que tu impliques, ici, c'est que mon commentaire critique ce texte, te prête de basses intentions, conseille une révision.

    Si je croyais qu'il y avait un problème avec le texte, c'est pas ici que j'en aurais parlé, je t'aurais écrit en privé. What the hell's wrong with you?

    Puisque t'as reçu aucun courriel à cet effet, ça veut dire que j'avais rien à redire.

    Redskins are thin-skinned in august!

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  4. Mon commentaire n'implique que ma vision nominaliste du monde dans le cas qui nous préoccupe. Il n'y a pas de sous-texte ni de métalangage. C'est dit et écrit à la bonne franquette, sans arrière-pensée. Je suis bien trop con pour ne pas être débonnaire comme le plus souverain des monarques de toutes les galaxies réunies ou dissoutes dans quelque trou noir, loin, là-bas. Redskins like me are full of skin and some other crap all year long. :)

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  5. As-tu checké ton glucomètre ces derniers jours.

    Sounds like a cheap shot, I know, but since I don't make cheap shots, it is not. I just feel something's a bit off with you these last days. Y a de quoi qui t'achale. I'm not asking what, you understand.

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    1. Sugar, sugar... The Archies... Hum... Feel good music...

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