mardi 26 avril 2016

Le point de vue de Sirius


« Nous avons plus de matière qu’il ne nous en faut, dit-il, pour faire beaucoup de mal, si le mal vient de la matière ; et trop d’esprit, si le mal vient de l’esprit. Savez-vous bien, par exemple, qu’à l’heure que je vous parle, il y a cent mille fous de notre espèce, couverts de chapeaux, qui tuent cent mille autres animaux couverts d’un turban, ou qui sont massacrés par eux, et que, presque par toute la terre, c’est ainsi qu’on en use de temps immémorial ? »
Voltaire. Micromégas, Chapitre VII


Voir le monde du point de vue de Sirius.

Cette expression a été consacrée par Voltaire dans Micromégas, un conte philosophique qui met en scène un habitant du monde de l'étoile de Sirius. Cet extraterrestre géant visite la Terre en compagnie d'un nain philosophe habitant de Saturne.

Micromégas s'étonne que de petites créatures pas plus grosses que des atomes puissent réfléchir presque convenablement. Ces atomes, ce sont les hommes. Et encore ne rencontre-t-il que la crème de la crème, les amoureux de la sagesse, lesquels lui rappellent assez vite que la Terre est peuplée d'imbéciles qui s'entre-tuent pour un oui ou un non.

Le point de vue de Sirius, on l'aura compris, n'est pas que celui de Micromégas. C'est surtout celui de Voltaire. C'est celui d'un philosophe qui contemple son monde avec un mélange d'ironie et de scepticisme.

Je reviens souvent à Voltaire et aux écrivains qui lui étaient contemporains. Ce n'est pas pour rien que le Siècle des Lumières a été celui du triomphe de la langue française. Notre langue n'aura jamais été aussi belle, aussi précise et aussi brillante qu'à cette époque. Elle s'est dégradée au XIXe siècle. Tant et si bien qu'il n'est plus resté que de vains exercices lexicaux confinant le français au rang du métalangage.

Tout est lumineux chez Voltaire qui adopte le point de vue de Sirius en toutes choses. C'est ce qui le rend si nécessaire pour l'éducation de l'esprit. On pourra bien sûr lui reprocher quelques conneries ici et là. On pourra trouver une phrase dans les pages qu'il aura écrites pour trouver matière à le pendre. Il ne manquera jamais d'insectes pour le faire. Et ce ne sera pas moi qui le ferai.

Mais là n'est pas mon propos.

Si je vous parle du point de vue de Sirius une fois de plus, c'est bien pour donner du corps aux intuitions qui me sont venues à l'esprit alors que je savourais mon café en me demandant ce que j'allais écrire.

Cela ne m'arrive pas à tous les jours d'y penser. La plupart du temps, pour dire vrai, je l'oublie.

Cependant, à regarder le monde du point de vue de Sirius je réalise que la Terre tourne autour du soleil à une vitesse d'à peu près 107 000 kilomètres à l'heure, ce qui dépasse d'à peu près 86 fois la vitesse du son. Quant au Soleil, il tourne autour du trou noir au centre de la Voie Lactée à une vitesse de 965 000 kilomètres à l'heure. La Voie Lactée elle-même tourne autour de la galaxie d'Andromède à une vitesse de 1 800 000 km/hre. "Au-delà, vous pouvez abandonner votre sens commun : ce ne sont plus des distances et des vitesses qu’il faut prendre en considération, mais la dilatation de l’espace lui-même." (Source: B.T. Science et vie 21/05/2014)

Nous allons plus vite que la lumière sans même nous en rendre compte.

Nous voyons qu'il n'y a pas de vent dans les feuilles ce matin et nous croyons, à tort, que tout est au repos.

Pourtant, nous atteignons des vitesses phénoménales qui dépassent l'entendement humain en plus de me donner le vertige.

Et puis nous nous inventons des guerres que l'on pourrait croire épiques alors qu'elles ne sont même pas un battement de cils aux yeux du cosmos.



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