jeudi 7 avril 2016

La compassion d'un plaisantin


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Lasciate ogne speranza, voi ch'intrate
Traduction: Toi qui entres ici abandonne toute espérance.


Il n'est pas facile d'avoir de l'empathie. La plupart des gens vivent très bien sans en avoir. Ils se ferment aux malheurs de l'humanité de crainte que cela ne s'attrape comme une maladie honteuse.

-Dans la vie, il faut s'aider soi-même! Il faut faire son propre bonheur! Il faut ceci ou cela! prétendent les repus, les larbins et les écureuils craintifs.

La question n'est pas tant de savoir s'ils ont raison. En fait, la question c'est comment les faire taire. Ils sont tellement audibles et si prévisibles que l'on peut comprendre pourquoi la compassion est si précieuse. Elle est semblable à un parfum subtil qui nous permet d'oublier un moment les odeurs communes de putréfaction morale.

Qu'un seul sage se présente à l'humanité, qu'une seule personne se tienne debout devant des millions pour les rappeler à la bonté, et voilà qu'on oublie tous les zéros.

Évidemment, le sage va toujours seul. Dès qu'un groupe se forme, la sagesse s'enfuit. C'est le plus petit dénominateur commun qui l'emporte. Ce sont les plus bas instincts qui prennent le dessus: l'envie, l'avidité, la haine et j'en passe.

-Il va toujours y avoir des pauvres! Qu'est-cé qu'tu veux qu'on fasse, hein? Le plus fin c'est celui qui ne fait rien...

Rien. Ne faites surtout rien. Continuez de vous regarder le nombril.

On ne peut pas empêcher un coeur d'aimer. Ni un coeur d'être de pierre.

***

J'ai croisé un type extrêmement obèse cette semaine. Le malheureux s'appuyait contre une poubelle pour ne pas tomber. Il attendait son autobus. Il traînait huit gros sacs de papier-cul. Le papier-cul était en spécial et ça valait la peine d'en acheter.

J'ai pensé, mesquinement sans doute, que le gros aurait de quoi se torcher longtemps.

Puis je me suis rappelé qu'il avait eu une vie de merde.

Le gros a été élevé par une mère monoparentale alcoolique dans le tapis. Aussi bien dire qu'il s'est élevé tout seul. Il n'a pas appris à bien s'alimenter. C'était l'alcool pour sa mère. Pour lui, c'était la malbouffe. Dans les deux cas, c'était une histoire de dépendance. Et aussi une vie sans jamais trouver de vrais amis ni de travail. Une vie à être le dernier choisi au ballon-chasseur. Une vie à être ostracisé. Une vie de marde parfaitement bien représentée par les dix paquets de papier-cul qu'il venait de s'acheter pour économiser sur son torchage de fesses.

En plus de se torcher, le gros a une toute petite voix, un nez porcin et une calvitie prononcée. Il a aussi coutume de bloquer les ascenseurs. Tous les agents de sécurité de la ville le connaissent pour cette manie qu'il a de s'enfermer dans les ascenseurs et de les bloquer par les moyens qui s'offrent à lui.

Pourquoi fait-il ça? Je n'en sais rien.

Mais il le fait tout le temps et je ne serais pas surpris qu'il le fasse encore.

Je l'ai tout de même salué, ce pauvre gros, puisque je reconnais en lui une partie de moi qui n'aurait pas eu de chance dans la vie.

Cette image m'a trotté dans la tête jusqu'à ce que je vous la livre ici dans ce billet.

L'image d'un ogre qui s'achète du papier-cul, bloque des ascenseurs et mène une vie de marde.

L'image d'un gars que j'aurais pu être si je n'étais pas si beau et si brillant...

***

Je ne voudrais pas vous faire croire que j'écris ça pour me mettre à l'avant-scène. Je ne suis pas tout à fait à la hauteur de cette compassion que j'admire chez quelques-uns. Je ris de tout, même des choses sérieuses. Cela me disqualifie pour la sainteté.

Au fond, comme le disait si bien Émile Cioran lorsqu'il parlait de lui-même, je ne suis qu'un plaisantin.

Un plaisantin qui s'amuse parfois à jouer au moraliste tout en méprisant ce statut.

Je me demande même pourquoi vous me lisez...

Vous voyez bien qu'il n'y a rien à trouver ici.




5 commentaires:

  1. Il n ' existe pas plus de sagesse que de morales -
    Ce que nous appelons sagesse est notre conviction profonde , et tous n ' ont pas les m^mes que nous -
    Ce que nous appelons morale , est une tentative de trouver ceux et celles qui feront consensus avec nous et nos convictions -
    Quant à la compassion ou l ' empathie , elles ont leurs limites mais aussi leurs grandeurs -
    Notre compassion a ses limites ne serait-ce parce que nous ne POUVONS PAS nous oublier nous-m^me non-plus ; mais aussi , souvent , parce que nous ne POUVONS PAS faire quelque chose pour l ' autre - ça n ' est pas en notre pouvoir - ( ça nous dépasse ) -
    Et ses grandeurs - dès qu ' elle s ' émeut , elle invoque des possibilités de réalisations - Le + souvent irréalisables - Mais quelques fois elle trouve à se réaliser -
    Parfois dans des choses qui paraissent insignifiantes , mais qu ' on y regarde mieux et ces petites choses ne le sont pas tant que ça - Grandes déjà -
    D ' autres fois dans des choses + grandes , tant mieux -
    Petites et grandes choses ont autant de valeur les unes que les autres -

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  2. @monde indien: La morale de cette histoire c'est que le jambon, qu'il soit de Bayonne ou non, est mangé autant par des gens bons que de méchantes gens...

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  3. Non , c ' est que le jambon est mangé parles méchantes gens ( en général ) et pas par les gens bons qui n ' ont pas les moyens de se le payer , en général -

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  4. @monde indien: il y a peut-être des disparités entre le prix de la viande ici par rapport à la France. Ici, même les pauvres, surtout les pauvres, mangent du jambon...

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  5. Ici le jambon des pauvres provient de porcs élevés industriellement qui donnent une qualité de jambon très douteuse , avec une qualité de fabrication très douteuse aussi en colorants et conservateurs - Celui des riches est beaucoup plus sain et souvent hors de prix - Je voulais dire que les pauvres fabriquent des choses , pour les riches , des choses qu ' ils ne peuvent pas se payer -
    ( " Le prix des gens " :
    http://mondeindien.centerblog.net/225- )

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