jeudi 21 janvier 2021

L'histoire tout ce qu'il y a de plus ordinaire de Églantin Délisle-Duthym


Il effaçait tout ce qu'il écrivait. Parfois au bout d'une phrase. Parfois au bout de dix paragraphes.

Il ne voulait pas succomber au narcissisme et aux atermoiements. Pourtant, c'était toujours tout près de sortir, sinon d'être lu. 

«J'ai toujours été une personne qui... prout tralala pouet pouet...»

«Hier alors que JE ceci ou cela...»

Ou pire encore:

«Il importe de réaliser que politiquement parlant le Québec...»

Il effaçait tout, dis-je.

J'oubliais de vous dire son nom. 

Il s'appelait Églantin Délisle-Duthym.

Drôle de nom, bien sûr, mais pas autant que le vôtre. Non mais l'avez-vous lu à voix haute?

Cela dit, Églantin, permettons-nous cette familiarité, avait un porte-clés très ordinaire. C'était une bande de cuir toute simple reliée à un anneau de laiton autour desquelles s'enlaçaient des clés. Églantin ne portait pas de lunettes. Il avait deux pieds et une paire de souliers très neutre. Il mesurait assez grand pour prendre un pot sur un frigo sans se casser le cou. Il n'était pas plus gros qu'un autre. Et il avait fêté son 38e anniversaire de naissance le 3 août dernier.

Églantin effaçait tout ce qu'il écrivait, tout.

Jusqu'à ce que ça lui vienne comme ça: il n'avait pas l'envie d'écrire.

Alors là, pas du tout.

Du moins pas ce jour-là.

Il ferma son ordi.

Il se déconnecta de tous les média sociaux.

Puis il fit calmement du lard en regardant la neige tombée dehors.

C'était beau.

Et ça se passait de mots.

Enfin!

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