Les étalages sont vides dans les succursales de la Société québécoise du cannabis (SQDC).
Comme dans l'ancienne URSS, les supermarchés sont ouverts mais il n'y a plus rien à vendre, sinon des rutabagas de Belgique et des dattes d'Afghanistan.
Il reste encore de la vodka Victoire-du-peuple. Mais il n'y plus de vin de Géorgie. Ni de yaourt de jument de Mongolie.
C'est la pénurie perpétuelle. L'État ne fournit pas. Le marché noir est beaucoup plus efficace. Déjà l'on voit poindre les futurs seigneurs de l'après-Perestroïka. Bientôt les étalages seront pleins. La mafia assurera toujours une meilleure distribution parce qu'elle ne peut pas se nuire à elle-même en bloquant le trafic des biens et des marchandises.
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Il est pour le moment plus facile d'acheter du pot chez le pusher -et moins cher- que de faire ses achats à la SQDC.
Les ventes en ligne fonctionnent mieux. C'est plus facile d'acheter du pot en Colombie-Britannique via l'Internet et de se le faire livrer par Postes Canada... Un de mes amis facteurs ironisait l'autre jour. Il me disait, avec raison, qu'il était devenu le runner des nouveaux dealers officiels du cannabis. Le runner, c'est celui qui fait les commissions, le plus petit en bas de l'échelle, celui qui va en prison et qui reçoit des oranges de ses amis les vendeurs s'il a pas trop mal fait sa job. Un plan de retraite et un nouveau boulot l'attendent s'il run encore...
Cela dit, il me semble qu'il y a un pot aux roses derrière la manière que l'on gère la vente légale de cannabis au Québec. C'est comme si l'on n'acceptait pas l'idée de la vente légale en faisant tout pour la décourager. L'objectif de la loi était de nuire aux activités du crime organisé et de rendre légale cette culture entourant ce psychotrope qui, somme toute, peut même agir à titre de médicament. Ce qui n'est pas le cas de la bière ou de l'alcool, frelaté ou non, à ce que je sache.
En légalisant le cannabis, le gouvernement fédéral a permis d'envisager la fin de la vente de cannabis frelaté, ce qui n'est pas rien.
Les rares produits trouvés sur les étalages de la SQDC ou bien en ligne ne mentent pas sur la qualité du produit. L'étiquetage est conforme. Le dosage est prescrit. De plus on vous avise que vous pourriez devenir schizophrène dans certains cas. Mettons que l'on ne fait pas autant de chichis avec les bouteilles de vin ou d'alcool à 94% en vente libre à la SAQ... Hypocrisie, oui!
Y'aurait-il une «conspiration» avec notre manière québécoise de gérer la SQDC? Quelque chose comme discréditer le service public pour démanteler la SAQ et Hydro-Québec du même coup? Pourrait-on se servir de ce triste exemple de faillite commerciale? Plusieurs millions de dollars de profits ont échappé à la SQDC depuis la légalisation. Cet argent qui devait revenir dans les poches des contribuables s'est volatilisé ailleurs, on ne sait trop où. Les Québécois et Québécoises perdent beaucoup trop d'argent à chaque jour où la SQDC n'ouvre pas et ne fournit pas.
Qu'est-ce qui se passe?
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La SQDC, c'est moche.
Deux gardiens de sécurité qui t'attendent et te scrutent de l'oeil comme au pénitencier d'Orsainville.
À l'intérieur, une douzaine d'employés sont occupés à s'expliquer devant des étalages vides. Il reste un peu de cannabis sativa Sierra Terra, des pilules de 2mg et de 10mg, de l'huile, à peu près rien.
Il n'y a plus de file d'attente d'ailleurs.
Tout le monde est parti ailleurs.
Dans le privé, la vente se fait autour d'une bonne bière ou d'un bon café.
On discute. On fume. On jase.
On parle de politique internationale.
Et de musique. Ou de Dostoïevski. Ça dépend avec qui.
Au public, au Québec, on se croirait plutôt dans Une journée d'Ivan Denissovitch.
C'est gris, laid, morbide comme une pharmacie vide gardée par deux malabars qui ont l'air encore plus louches que des motards dans un club.
Même les motards peuvent sourire de temps à autres et se montrer un peu humains.
C'est tout dire.
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