La chute d'Icare, Pieter Brueghel l'Ancien |
L'amour ne s'achète pas plus que la haine poussée à son paroxysme.
Ce que j'exprime semble un peu confus.
Et ça l'est sans doute. La métaphysique n'est pas tant une histoire de mots qu'un cumul d'expériences existentielles.
Mon vieux professeur de philosophie, feu Alexis Klimov, liait la métaphysique à la révolte contre l'objectivation, au refus de plier devant une réalité laide et avilissante.
Son cours de métaphysique débutait avec une lecture tirée des Métamorphoses d'Ovide, c'est-à-dire le chapitre où il est question du mythe de Dédale et Icare.
Dédale et son fils Icare sont prisonniers du labyrinthe où les tient prisonniers le roi Minos. Une créature mi-homme mi-taureau, le Minotaure, habite ce labyrinthe et menace du pire le père et le fils. Que peuvent-ils faire? Ils n'ont pas d'armes, rien. Il ne leur reste que la voie du ciel pour s'enfuir.
Dédale fabrique donc des ailes avec des plumes et de la cire d'abeilles. Lui et son fils réussissent finalement à s'envoler grâce à ces ailes. Cependant, Icare, enivré par son vol, s'approche trop près du soleil et plante dans la mer.
Klimov nous montrait ensuite le tableau La chute d'Icare de Pieter Brueghel l'Ancien. On peut y voir la vie de tout un chacun suivre son petit train-train quotidien. La chute d'Icare s'est réalisée dans l'indifférence générale.
L'air de rien, cette petite démonstration m'aura réconcilié avec la spiritualité à une époque où je la vomissais sincèrement.
J'ai d'abord répondu à mon professeur, en parfait militant anarchiste que j'étais alors, que si l'on se sent menacé par le Minotaure, le mieux reste encore de lui péter la gueule.
Il m'a probablement souri et a poursuivi son cours.
Au fil des ans, j'ai souvent revisité ce mythe.
Je ne prétends pas y avoir compris quoi que ce soit, sinon qu'il est légitime de se tourner vers le ciel pour s'extirper d'une situation tout à fait désespérée.
Il est légitime de se poser des questions sur Dieu, l'amour, la haine, l'amitié, le courage, lâcheté et j'en passe. Mais ce sont toutes des questions métaphysiques et, de par leur nature, elles me semblent insolubles.
Le positiviste vous en trouvera des raisons, bien entendu.
Et le croyant aussi: il a toutes les réponses.
Moi, à mon humble avis, je ne crois pas toutes les avoir.
Je ne suis pas sans guidance et sans principes.
Cependant, je n'ai pas ce besoin radical d'une réponse absolue à des questions qui reposent essentiellement dans le monde de l'indicible.
Quiconque aura aimé au moins une seule fois dans sa vie en saura plus long sur Dieu que tous les théologiens réunis.
C'est ma position, aussi loufoque soit-elle.
Tout le reste ne me semble que du babillage.
Quelque chose qui nous éloigne de la métaphysique pour nous ramener sur le terrain du Minotaure.
Il faut apprendre à voler entre la Terre et le Ciel pour ne pas finir comme le fils de Dédale.
Quant à Ovide, c'est un des rares auteurs latins qui ne distillent pas l'ennui.
L'ennui qui est aussi une grande question métaphysique.
Elle est parfois soluble dans le plaisir.
Mais il arrive que l'on s'ennuie même des plaisirs.
Autrement nous ne serions pas tous aussi perturbés où que nous soyons sur le globe.
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