D'aussi loin que je me souvienne je n'ai jamais aimé l'école. J'y réussissais bien pour obtenir le privilège de lire ou bien de dessiner dans les marges de mes cahiers pendant les cours.
Un jour, ma professeure de mathématiques, une religieuse déconnectée de son époque, me désigna comme étant un rieur et un élément perturbateur lors d'une visite du directeur.
-Puis-je voir ses notes? lui dit le directeur.
La religieuse lui tendit ce qu'il demandait.
-C'est le premier de la classe...
-Oui, mais il est tout le temps en train de rire!
-Les autres feraient mieux de rire pour réussir aussi bien... lui dit-il sur un ton désagréable.
Puis il s'en alla en remuant ses clés, sans se soucier plus de mon existence.
J'entrepris illico de caricaturer ma prof sous son plus mauvais jour. Je la fis grosse, laide et probablement avec des matières brunes sur la tête parce que j'étais vraiment malcommode. Ma caricature circula parmi les élèves du groupe puis ils se mirent à rire, évidemment.
La prof posa une question difficile à laquelle j'ai répondu pour faire mon fin finaud. Je démêla des x et des y tandis que la prof me dévisageait avec ce regard hargneux qu'elle avait pour tout un chacun.
Puis mon stratagème se répéta en chimie, en physique, en histoire, en géographie.
Plus tard, à l'université, j'aurais cru que cette manie prendrait fin. Mais non! J'ai continué de caricaturer mes profs et de lire des romans pendant les cours magistraux qui m'emmerdaient ferme.
Comme de raison, j'étais encore parmi les premiers du groupe. Pas parce que j'étais le meilleur. Tout simplement parce que j'aimais lire et écrire plus que de participer à des cours ennuyants. La fréquentation assidue des livres m'avait donné les outils pour réussir les deux doigts dans le nez. J'avais compris que les profs ne faisaient que nous livrer des résumés de lecture et qu'il était bien plus agréable de lire ou de dessiner quand ils tentaient de m'endormir avec leur matière ronflante que j'avais assimilée en deux ou trois séances de bibliothèque.
À mon époque, il n'y avait pas encore l'Internet.
Si j'étudiais de nos jours, je passerais mes journées avec mon Iphone à apprendre cent fois plus vite que le prof pourrait parler. Je ferais des petites vidéos que je diffuserais sur YouTube. Je profiterais des cours magistraux pour googler à propos de tout et n'importe quoi, la physique quantique, Marcel Proust ou l'origine des espèces. Je serais encore plus rebelle que je ne l'étais.
Aussi, je n'envie pas les étudiants d'aujourd'hui qui doivent faire face à des méthodes d'enseignement qui étaient déjà dépassées dans mon temps.
Les meilleurs professeurs que j'ai eus dans ma vie m'ont fait faire du canot-camping, du ski de fond dans la réserve faunique ou bien des découvertes à la bibliothèque. Les autres tuaient le temps et tentaient aussi de tuer l'intelligence qui ne peut pas s'accommoder d'inutiles répétitions sur des points de détail sans importance.
On tient à nous faire accroire que l'on n'est rien sans diplôme. C'est vrai. Le diplôme confirme que vous êtes capable de vous tenir tranquille sur une chaise pendant des années sans désobéir. Il ne prouve en rien que vous êtes intelligent. À moins que l'on ne confonde l'obéissance avec l'intelligence. Les deux vont rarement ensemble.
J'aime croire que l'intelligence est impossible sans désobéir.
Surtout dans un monde comme le nôtre.
Si l'on ne se fiait qu'aux doctes ignorants, l'aviation n'aurait jamais été inventée.
Il fallut de simples réparateurs de vélos pour entrer dans une nouvelle ère de l'histoire humaine.
Et il en va de même de tout le reste.
Évidemment, je ne conseillerai à personne de suivre ce mauvais exemple.
Si vous souhaitez réussir à titre de pion, enlevez-vous ça de la tête!
La société a besoin de bras et si peu de génie.
Elle a besoin de surveillants.
Elle a besoin de geôliers et si peu d'hommes libres.
Impossible de résister et ne pas mettre mon grain de commentaire puisque je suis instituteur-remplaçant pour les petits de l ' école maternelle - à la fin de l ' école primaire - ( 3 ans / 10 ans ) - C ' est une sorte d ' ironie du sort , moi pour qui l ' école fut un véritable calvaire -
RépondreEffacerJ ' ai commencé à comprendre pourquoi quand la très bienveillante psychothérapeute à qui j avais demandé de m ' aider ( ce qu ' elle fit très bien / que le miel coule dans sa barbe ! ) avança qu ' elle pensait que j ' avais sans doute été autiste " léger " ( comment peut-on être autiste " léger " ??? ) -
De fait , j ' ai parfaite souvenance de m ' être posé des question existentielles sans réponses , à l ' âge des premiers apprentissages scolaires ( 5/6 ans) , sur la véracité de l ' identité , de l ' égalité , de l ' addition des quantités aussi simples que 1 +1 = 2 . et pourquoi pas trois ? me disais-je .. Vous voyez bien que j ' étais mal parti -
Pas tant que ça : ce fut à ce m^me âge que je me demandai comment il était diable possible que certains vivent dans l ' opulence quand d ' autres trimaient pour ne récolter que la misère - Ce constat révoltant est le m^me qui m ' habite aujourd’hui -
A moins que ce soit ce constat qui m ' ait fait alors refuser l ' idée qu ' un + un fasse deux , ce en quoi je n ' avais pas tort , puisqu ' en amour ou amitié un + un = UN .
Comprenne qui puisse !!
Que 2 + 1 n ' égale pas 3 mais est = à 2 , soit 1 ( 1 + 1 = 1 ) + 1 = 1 , ou 2 , ou plus , que sais-je ...
D ' où mon air hébété devant les tableaux si pleins de certitudes et affirmations douteuses -
L ' ennui de l ' école et de l ' enseignement vient peut-être de ça , de ce que l ' école du pouvoir insiste , insiste , insiste et insiste sur des notions douteuses , en espérant que ces insistations finiront par produire fruits -
Au contraire , mon statut d ' enseignant " remplaçant " m ' autorise apprendre des libertés fugaces où j ' essaye -
( un soudain , brutal et inexpliqué mal de bide m ' a contraint à arrêter mon commentaire en queue de poisson et rabattre le capot de mon ordi. )
RépondreEffacerJe viens juste ajouter mon soutien à l ' artiste-poète-philosophe-politique trifluvien et maître de ce blog , dans sa requête contre l ' ennui de l ' école -
Il suffirait d ' ailleurs que les acteurs de cette institution officielle ( merci Charlemagne ! ) se soucient uniquement de partager avec les bambins des moments de liberté , d ' insouciance , ou d ' émerveillements , pour que ces écoles soient effectivement des possibilités d ' apprentissages -
J ' ai eu la chance d ' enseigner à des bambins de petits villages des Cévennes ( ces m^mes petites montagnes qui inspirèrent les pas de Robert Louis Stevenson ) où les maîtres d ' école pouvaient encore prendre l ' après-midi pour emmener leurs petits crapahuter dans les prés vrombissants d ' insectes dorés ou auprès des ruisseaux regorgeant de poissons poissonnants , truites , gardons , brochets , à regarder , parler , rire et s ' amuser -
J ' ai m^me connu de ces petites écoles , loin des villes et des inspecteurs de l ' Education Nationale , dans des communes tellement communistes ( pays miniers )que les-dits inspecteurs préféraient ne pas y mettre les pieds , et où les enseignants choisissaient de laisser les enfants tout l ' après midi en récréation - Les enfants y apprenaient aussi bien qu ' ailleurs - si ce n ' est mieux - / mon hommage à eux-elles .
Axé Baba !
Les écoles sont des usines de formattage. C'est une des institutions civilisées qui participent à dénaturer de véritables humains en des pièces qui font fonctionner la machine omnicidaire aussi connue sous le nom de civilisation.
RépondreEffacer@monde indien: J'ai du respect pour les enseignants, malgré ce que pourrait laisser croire mon billet. Je sais qu'il y en a qui font des pieds et des mains pour sauver le savoir, la culture et la sensibilité humaine. J'en ai moins pour l'institution qui entrave la liberté de l'apprenti aussi bien que celle du professeur.
RépondreEffacer@Misko: C'est pas rien que ça mais c'est pas loin d'être ça. C'est aussi un lieu pour héberger des livres, mais l'abonnement à la bibliothèque municipale coûte beaucoup moins cher... ;)
RépondreEffacerT ' inquiète , Gaétan , j ' avais bien compris ton propos -
RépondreEffacer@Misko - T ' as ben raison , c ' est exactement ça !
RépondreEffacer@Gaétan - C ' est pas rien que ça , mais c ' est presque rien que ça - Du moins est-ce la finalité de l ' institution -
RépondreEffacerC'est réconfortant de lire ça. Tu expliques bien, du reste, ce qu'est un diplôme ! Il fallait bien que ça serve à quelque chose, me disais-je. Maintenant, je comprends mieux... La certification de la servilité...
RépondreEffacerCiboère, c'est dangereux frayer dans les blogues, surtout chez toi ! Je fais des efforts effroyables pour tenter d'être conformiste, pour m'équarrir le cerveau ; il me suffit de lire quelques-unes de tes lignes pour m'enthousiasmer dans la révolte.
@Guillaume Lajeunesse: La scène qui m'a toujours plus dans Le magicien d'Oz est celle où ledit magicien remet un diplôme à l'épouvantail pour lui donner l'impression qu'il n'a pas que de la paille entre les deux oreilles... Les fables sont dangereuses en ceci qu'elles expriment des vérités occultées volontairement par ceux qui se rendent esclaves des mirages institutionnels.
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