lundi 11 avril 2016

Démolition


Je suis allé voir Démolition au Cinéma Le tapis rouge. Il s'agit du dernier film du cinéaste québécois Jean-Marc Vallée.


Je ne vous vendrai pas le punch, bien entendu. Mais je me permettrai de vous dire que c'est un bon film. L'histoire tourne autour d'un travailleur de la finance qui pète les plombs suite au décès prématuré de sa conjointe.

Plus il pète les plombs, plus il nous apparaît humain...

Peut-être que cela explique toute l'âme de notre époque face à la machine.

On voudrait que nous soyons propres, ordonnés, obéissants, épargnants, convenus et convenables.

Et pourtant, nous idolâtrons les rockers qui mettent le feu à leur guitare, défoncent leur ampli ou balancent le drum dans la foule. Nous tenons en haute estime la liberté, même si souvent elle n'est vécue que par procuration.

Dostoïevski, ce grand psychologue, disait que si nous vivions tous dans un palais de verre l'avenir de l'humanité dépendrait du voyou qui le ferait éclater en mille morceaux en y balançant un pavé.

Je partage cette sensibilité que les gens d'ordre et de bon sens ne sauraient comprendre.

N'oublions jamais ce souci du détail qu'avaient les nazis pour classifier chaque aspect de la vie en camp de concentration. Ce souci du détail facilita d'ailleurs le travail des avocats qui les inculpèrent de crimes contre l'humanité après la guerre.

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Démolition, de Jean-Marc Vallée, opère dans les mêmes zones que celles abordées par le film Beauté américaine de Sam Mendes. Dans l'un comme l'autre film, la farce des bonnes habitudes a assez duré. Un énorme besoin de légèreté se fait sentir. Un besoin de casser la baraque. Un besoin d'atteindre le soleil quitte à se brûler les ailes. N'importe quoi pourvu que l'on ne soit pas happé par un quotidien prosaïque et profondément ennuyant.

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Je suis nostalgique des années '60. J'aurais souhaité les vivre. Je suis malheureusement né en 1968 et j'aurai vécu mon adolescence dans les années '80, à l'époque du No Future, de la montée du conservatisme et autres idéologies de larbins. Je me sentais inconfortable avec mon temps aussi bien qu'avec ma génération. Plutôt que de cracher sur les baby-boomers, je me suis mis à les aimer et aussi à les idéaliser.

Il ne se sera rien fait de mieux que le mouvement hippy au vingtième siècle. Le Flower Power aura été une démarche hautement métaphysique, une authentique révolte contre la machine à laquelle ni les communistes, ni les anarchistes ne surent jamais vraiment désobéir. Le mythe du travailleur avait aussi besoin de voler en éclats pour être remplacé par celui du rêveur, aussi éthéré que cela puisse sembler.

La révolte de 2012 renoua un tant soit peu avec le mouvement hippy. Dans le "fuck toutte" il y avait quelque chose d'animal et par conséquent de bien plus spirituel que toutes les données et statistiques des économistes désincarnés. Il y avait une volonté de décrocher la lune, d'atteindre les étoiles, d'avaler des trous noirs.

Il y avait surtout l'idée de démolir le système. Un système qui nous réduit tous plus ou moins à l'état d'objet, de chair à canon, de pions interchangeables.

Voilà pourquoi je m'accroche tant à la musique et à la contre-culture des années '60. Je n'ai rien trouvé de mieux depuis. Tout semble fade, suranné et décrépi quand on compare quoi que ce soit avec ces années-là.

Sans doute que j'idéalise un tant soit peu.

Et, honnêtement, je m'en contrefous.

N'importe quoi sauf la machine.

N'importe quoi sauf le conformisme rampant.

Quelque chose comme une fringale de "liberté libre" comme l'écrivait le voyou Rimbaud.


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