dimanche 11 janvier 2009

Comment rendre l'homme meilleur et bon et enfin, pourquoi pas, raisonnable?


J'ai l'air de rien mais je me pose cette foutue question plusieurs fois par jour sans trouver de réponse satisfaisante: comment rendre l'homme meilleur? Meilleur et bon. Et enfin, pourquoi pas, raisonnable.

La difficulté que j'ai à répondre à cette question tient entre autres de mon humilité, que j'ai la vanité d'appeler de la sincérité. Je ne me sens pas le meilleur homme pour répondre à cette question, d'où son insolubilité.

Je ne pourrais bien sûr que ne m'en tenir à la définition du dictionnaire. Truc éculé d'ignare et de cuistre. Sinon de linguiste. Comme je ne le fais pas, cela suppose ma mesquinerie envers les ignares, les cuistres et les linguistes. Ce qui fait que je suis en fâcheuse position pour me lancer dans une définition toute personnelle de ce qu'est le meilleur, le bon et, enfin, le raisonnable.

Vous vous dites avec raison qu'un type comme moi devrait fermer sa gueule à ce sujet. Et cesser de jouer au photosophe avec ses vues ridicules sur une matière qu'il ne met pas en pratique en toutes occasions. Et je vous donne raison. Parce que je sais ce que je vaux. Pas vous?

J'appelle donc à mon secours un spécialiste du meilleur et du bon, enfin bref du raisonnable.

Il s'appelle Bubu. Je ne lui connais aucun défaut. Il salue tout le monde, tout le temps, en riant. Je ne l'ai jamais vu malheureux ou triste. C'est le seul sourire perpétuel que je connaisse dans toute la ville de Trois-Rivières. Le seul. Et je n'invente rien.

Bubu ressemble vaguement à Michel Louvain avec un regard non moins sincère. Il est, aux yeux des mauvaises langues, un pas vite. Pourquoi? Parce qu'il dit salut à tout le monde, je parie. Parce qu'il sait vivre, qu'il rit, qu'il est heureux.

Donc, c'est à lui que je m'adresse, en toutes occasions, pour définir ce qu'est le meilleur, le bon et le raisonnable parce qu'il me semble, de tous les êtres que je côtoie, le seul qui se soit toujours montré inflexible face au chagrin et aux affres de la mesquinerie. Jamais son âme n'a frôlé ces abîmes de déchéance et de violence gratuite qui agitent presque tous les singes ratés que nous sommes. Il est paix, bonheur, rire, savoir-vivre. Un vrai gentleman, quoi. Le seul, quoi. Tout le temps. Je vous jure.

-'t'alut! 't'alut!

C'est tout ce qu'il sait dire. Enfin presque tout. Et il le dit à tout le monde, Bubu, parce qu'il sait vivre.

Bubu est beau à voir, au volant de son petit quadriporteur qu'il conduit en balançant son poids de droite à gauche, d'un rythme lent mais continu.

-'t'alut! 't'alut!

Il sème ses salutations à tous vents. Tout être humain même le plus sale et le moins fréquentable a droit au salut de Bubu.

-'t'alut! 't'alut!

Il n'y a ni pauvre ni riche, ni chrétien ni juif ni mulsulman, ni Canadien ni Québécois, rien que des visages devant lesquels il sourit et dit sempiternellement:

-'t'alut! 't'alut!

Tout porte à croire que cet homme, Bubu, bien que son langage soit limité à des salutations d'usage, n'en dénote pas moins une solide détermination dans la voie du savoir-vivre: saluer les gens sans jamais défaillir, avec une ôpiniâtreté qui témoigne de toute la force de son bon caractère.

Bubu est par le fait même pleinement en mesure de définir à la source le meilleur, le bon et l'enfin raisonnable. Il l'est pour moi, quoi que vous en pensiez. C'est lui mon maître à penser. Je vous ai tous observé, un par un, et vous m'avez tous déçus, sauf Bubu.

Donc, je vais aller voir Bubu pour me guérir de ma misanthropie passagère. Il faut bien commencer à quelque part. Et Bubu, je vous l'ai dit, est mon maître à panser mes blessures morales.

-Salut Bubu!

-'t'alut! 't'alut!

-Ça va bien, Bubu?

-M'oui!

-Comment définirais-tu le meilleur, le bon et le raisonnable, Bubu?

-Des bonbons, c'est bon!

Bubu activa son quadriporteur et tourna au moins trois fois sur le même axe en riant. Puis il s'en alla en klaxonnant et en agitant sa main.

-'t'alut! 't'alut!

Des bonbons, c'est bon. C'est tout ce qu'avait produit l'oracle. Sacré Bubu!

Je sais que vous me trouverez fou de voir la l'empreinte d'une quelconque leçon de sagesse. Je n'ai pas trouvé tout à fait la réponse à la question que je me posais. Mais j'ai trouvé un sourire, un salut, des bonbons c'est bon, une connerie pour oublier que la vie est parfois stupide, insensée, violente pour rien, agressive, sans pitié, dure, méchante, injuste, intolérable, intolérante, laide ou whatever.

Bubu salue tout son monde et tout le monde le salue. Et vous allez me dire que cet homme n'est pas parfait? Personne ne le déteste. Tout le monde l'aime. Et vous allez me dire qu'il n'a pas raison?

Définissons le meilleur, le bon et le raisonnable une autre fois, si vous le voulez bien.

C'est aujourd'hui dimanche. Des bonbons, c'est bon...

3 commentaires:

  1. Ça m'apaise une histoire de Buhu le dimanche.

    Et puis, c'est vrai que c'est bon, des bonbons.

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  2. Le bon c'est toi, le raisonnable c'est moi ...

    Pouahhhh !

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  3. C'est peut-être dommage, mais j'ai du mal à croire que tout le monde l'aime. On aurait bien aimé que tout le monde l'aime.
    Mais je pense qu'on ne devrait pas le laisser aller tout seul comme ça sur sa mobylette. On devrait se cotiser pour lui payer un garde-du-corps, discret, mais efficace, organisé et silencieux, pour tout dire, infaillible. ça gacherait un peu de la fraicheur du décors, pour qui le sait, mais au moins, Bubu serait préservé d'une éventuelle souillure.
    Sacré Bubu !

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