Je ne suis membre d'aucun parti politique.
Cependant, j'ai un parcours politique.
Je vais vous le livrer sans fards, avec un peu de honte, comme un mea culpa.
J'ai participé à toutes les manifs, au secondaire comme au collégial, par solidarité tout autant que par tempérament festif. Une manif, c'était la fête, un congé pour se faire arroser par les pompiers avant d'aller regarder pousser les fleurs, en retrait, dans l'espoir de changer le monde tout en se questionnant sur l'origine des trous noirs ou sur la manière d'aborder les filles. J'étais un peu plus con que les autres parce que je ramenais tout à la «Cause»: un vrai tempérament de trouble-fête...
À cette époque, mon auteur préféré était Jack London. Comme Martin Eden, dans le roman éponyme de London, je provenais d'un milieu modeste et comme lui je ne me sentais pas à l'aise parmi les riches tout comme parmi les pauvres, qui ne savaient pas qui était Jack London, Shakespeare ou Karl Marx. Je me battrais donc seul contre le monde. J'allais, comme mon auteur préféré, laver des planchers, livrer des caisses de bière, porter des commandes d'épicerie, laver des vitres ou des personnes âgées, whatever, jusqu'à ce que j'obtienne ce diplôme qui m'ouvrirait les portes de la haute société, où je me voyais jouer le rôle de prophète de malheur. Je les ferais trembler comme des feuilles en leur parlant de la colère qui gronde dans cette masse d'où je m'étais tiré à force d'efforts incommensurables aux yeux d'un gosse de riche...
Heureusement que j'ai connu l'autre facette de Jack London, celle qui l'a vraiment rendu célèbre, celle de l'auteur de Call of the Wild et de toutes ses nouvelles sur le Klondike. Il aura fallu que je me rende une première fois au Yukon, en '93, pour transcender ma vision réductrice de London et le voir pour le formidable conteur qu'il est. Ses plus mauvais livres sont les livres que j'aimais le plus quand j'étais jeune: Martin Eden et Le talon de fer. Ses meilleurs sont tout ce qu'il a pu écrire sur le Yukon et la ruée vers l'or de 1898. C'est le plus Canadien des auteurs américains.
J'étais donc foncièrement punk, lecteur de Jack London, individualiste, anti-raciste, socialiste et vaguement artiste jusqu'à ce que j'entre à la faculté de droit de l'Université Laval.
C'est là que tout s'est gâté.
Je suis d'abord devenu membre du Parti Québécois. Cela n'a pas duré deux semaines. Juste le temps d'assister à un discours de Jacques Parizeau à l'Université Laval. Le lendemain, je commençais à lire L'histoire de la révolution russe de Léon Trotsky et, quelques jours plus tard, je tombais sur un journal trotskiste. J'étais préposé aux bénéficiaires à l'hôpital pour payer mes études. Je travaillais parfois de minuit à huit avant d'entrer dans le cours à neuf heures, complètement lessivé, pour entendre délirer un professeur sur le code de procédures civiles tandis que je m'endormais sur le crayon.
Je détestais les gosses de riche autour de moi qui avaient la vie facile, les loisirs, les filles. Et plus je les détestais et moins je me reconnaissais dans leur péquisme, le point ultime de leur rébellion de petits bourgeois.
J'irais bien plus loin, tiens. J'allais devenir membre d'une section sympathisante de la Quatrième Internationale dans l'État canadien... J'allais devenir un cadre révolutionnaire marxiste, indépendantiste, pour l'instauration de la République des travailleurs du Québec, féministe, écologiste, internationaliste et fondé sur la dictature du prolétariat... Fuck! J'étais devenu complètement fou! C'était encore pire que d'être péquiste.
Je me suis bien rendu compte, au bout de quelques manifs, que le trotskisme n'était qu'une variante du léninisme, proche cousin du stalinisme.
J'ai quitté le mouvement pour devenir un socialiste libertaire, puis un anarchiste.
C'était en 1989. Le mur de Berlin venait tout juste de tomber.
Dans les années qui allaient suivre, la métaphysique et les femmes allaient prendre beaucoup trop d'importance pour que je m'intéresse à la politique. J'ai participé à quelques manifs, mais jamais sous l'égide d'une bannière politique.
Certaines valeurs fondamentales m'ont accompagné tout au long de mon parcours, en dépit de mes options politiques du moment. Parmi les trotskistes, on s'est donné beaucoup de mal à me justifier la dictature du prolétariat et la liquidation des ennemis politiques. C'est ce qui m'a mené à quitter le mouvement. J'étais trop humaniste, trop littéraire, trop artiste...
Aujourd'hui, je ne suis qu'un citoyen parmi tant d'autres, avec un ego plus conciliant, plus tolérant, plus généreux, plus libéral.
Mes sympathies sont circonstancielles. Je me reconnais dans certains éléments des programmes libéral, vert et solidaire. Pas beaucoup dans le PQ. Pas du tout dans l'ADQ ou dans le Parti communiste canadien marxiste-léniniste (bolchévique). Je n'ai plus rien en faveur des extrémistes, toutes tendances confondues. Je veux vivre et laisser vivre en paix.
Je suis au centre-vert, solidaire et libéral; toujours aussi vaguement artiste, anarchiste et festif, tolérant et pas nécessairement brillant.
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