lundi 21 avril 2008

Gargantua jouait au hockey au parc des Pins

Les bons souvenirs de lecture abondent en moi comme d'autres se remémoreraient avec un brin de tendresse de belles parties de hockey.

Je n'ai rien contre le hockey. Je l'ai pratiqué sur la patinoire du parc des Pins, à Trois-Rivières, pendant une dizaine d'années, à jouer à cinquante contre quarante-huit...

J'exagère à peine. La glace, lors de nos parties full contact sans arbitres ni règlements, pouvait contenir autant de joueurs que possible. J'en ai même perdu un bout d'oreille. Recevoir un coup de bâton de hockey en pleine gueule, par moins trente degrés Celsius, ça ferait casser n'importe quel appendice comme de la vitre : nez, oreille, alouette...

C'était tellement hockey, ce parc-là, qu'il fut un temps rebaptisé le parc Jean-Béliveau. Probablement que la commission de toponymie du Québec s'est rendu compte, un jour, que Jean Béliveau n'était pas encore mort. Le parc Jean-Béliveau est donc redevenu le parc des Pins.

Nous pratiquions le football avec le même mépris des règlements, dans la cour du Séminaire St-Joseph. Après les parties des gosses de riches, les gosses des pauvres s'emparaient de la cour pour jouer des parties full contact sans équipement ni protections. Chaque plaqué au sol était d'une sauvagerie à vous décaver un cerveau.

Quel est le rapport avec les bons souvenirs de lecture? Aucun. Ou presque. Enfin, ce n'est pas évident d'être chroniqueur. Je trouve quelque chose à dire en écrivant. J'ouvre Blogger et je tape tout ce qui me vient par la tête. Cela donne ce que cela donne.

Je disais donc, avec une certaine pompe, que les bons souvenirs de lecture abondent en moi comme d'autres se remémoreraient avec un brin de tendresse de belles parties de hockey.

J'ai déjà mes huit cents mots et je vous ai parlé de tout sauf de lecture. C'est fou, un blogue. Cela permet n'importe quoi, n'importe comment. Mes professeurs me reprochaient de ne jamais m'en tenir au sujet principal, comme si c'était intéressant de décortiquer sa pensée en termes de chiffres plutôt qu'avec l'élégance que supposent la maîtrise des lettres et le goût pour la beauté.
La beauté, voyez-vous, est toujours de trop. Ça ne fait jamais sérieux. Pourtant, il n'y a rien de plus sérieux, rien de plus authentique que la beauté.

«Tout ce qui est laid est faux.» (Cette citation, jusqu'à preuve du contraire, est de moi seul. Prière de citer vos sources si vous l'utilisez. Je ne sors pas de belles citations à la tonne. Même que celle-là, tout compte fait, ne veut pas dire grand' chose. Néanmoins, quand j'en sors une, traitez-la avec respect, traduisez-la dans toutes les langues et envoyez-moi un chèque. Merci beaucoup.)

Je disais donc qu'il n'y a rien de plus beau que moi.

Et pour les beaux souvenirs de lecture, je ne me contenterai aujourd'hui que d'un seul.

J'avais onze ans. Je lisais tout le temps, à la bibliothèque comme en classe, parce que j'apprenais plus vite. J'étais un petit bolé. Pour tuer le temps, mon professeur de cinquième année me faisait lire des fiches de lecture.

Je suis tombé sur des extraits de Gargantua, de François Rabelais, transcrits en français moderne par je ne sais trop qui.

C'était formidable d'avancer ainsi au pays de ce géant plus grand que nature qui bouffait et buvait comme une armée, sans complexes. J'étais déjà plus grand et plus gros que les autres et je me sentais pour ainsi dire de taille gargantuesque, bien que je n'étais pas du tout obèse. Je me regarde sur mes photos d'enfance et je ne suis même pas gros. J'avais cette idée-là dans ma tête, je sais pas trop pourquoi...

Quoi qu'il en soit, je serais désormais Gargantua, au grand dam de mes parents.

Pour me faire pardonner mon féroce appétit, je les aidais à transporter l'épicerie à bouts de bras, chaque semaine, apportant d'énormes fromages provenant des campagnes environnantes et d'aussi gros emballages de viande bien fraîche. Les six ogres que nous étions s'en donnaient ensuite à coeur joie, à dévorer toute cette belle nourriture jusqu'à ce que les os soient bien blancs et la moelle bien retirée.

Une fois que la digestion commençait, je poursuivais ma vie en ayant Gargantua pour modèle en toutes choses: je serai le plus grand, le plus gros, le plus fort. N'est-ce pas le rêve de tout enfant?

Quand on est né pour un petit pain, la vie de Gargantua est en elle-même un résumé de tous les péchés capitaux. Pourtant, c'est un ecclésiastique qui a écrit Gargantua. S'il y avait eu plus de curés comme Rabelais, peut-être que l'église n'en aurait été que plus humaine. Les plaisirs de la lecture peuvent très bien se conjuguer avec les plaisirs des sens.

Je n'ai plus rien à dire pour le moment.

C'est lundi matin et tout est possible.

Viser le top, encore une fois, pour bien débuter la semaine.

Le lundi rime avec je remporte tous les défis.

Merci Gargantua, de m'inspirer tant de volonté, aujourd'hui encore.

Vraiment, quand l'appétit va tout va.

1 commentaire:

  1. Salut Geatan,

    Mon commentaire n'a pas de lien à ton billet. Je suis tombé sur ton blogue par hasard en faisant une recherche sur René-Daniel Dubois... puis je me suis apperçu que tu étais le gars qui avait provoqué mon premier coup de coeur lors des témoignages à la commission Bouchrd-Taylor.

    J'avais tellement aimé ton intervention que je l'ai mise en ligne et élogié sur mon blogue (http://emerillon.niala.net/index.php/2007/10/commission-bouchard-taylor-lobligation-de-vivre-ensemble/).

    Maintenant que j'ai la chance de t'écrire un mot, j'ai voulu en profiter pour te lever mon chapeau. Bravo. Et merci pour ton intervention... tu était un îlot d'espoir dans une mer d'intolérance et d'incompréhension.

    Heureux de faire la découverte de ton blogue, j'ai hâte de m'y pencher plus en détail.

    Au plaisir.

    Alain B.

    PS... mon intervention à moi est ici (http://emerillon.niala.net/index.php/2007/11/mon-deux-minutes-a-la-commission-bouchard-taylor/), si ça t'interresse.

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