dimanche 19 juillet 2015

Nancy Parmentier, la bibliothécaire qui a toujours un air de cul

Nancy Parmentier manque totalement d'égards envers toux ceux et celles qui défilent devant elle à tous les jours qu'elle travaille. Cette bibliothécaire n'a pas de façons, comme on dit chez les gens simples.

Elle n'est pourtant pas tout à fait vilaine. Et même un peu jolie. Les traits de son visage sont réguliers. Sa bouche est bien dessinée malgré la moue de dédain qu'elle affiche en permanence. Ses ongles sont propres et colorés. Son parfum est léger et délicat. Pourtant, son manque de civilité la rend laide comme une fiente de goéland. Même qu'on finit par penser qu'elle pue.

Nancy Parmentier aurait souhaité vivre en princesse. Elle avait rêvé de se marier avec un beau prince charmant à cheval sur son beau destrier d'une blancheur immaculée. Elle s'était vue en train de manger du raisin dans un hamac au bord d'une plage de sable fin. Elle s'était imaginée dans la peau d'une grande chanteuse de renom qui susciterait le désir de tous les monarques du monde.

Mais non! Le destin avait voulu qu'elle épouse Johnny, un camionneur qu'elle poussait à bout avec ses caprices de princesse déchue. Elle devait geindre et pleurer tous les jours pour obtenir une maison à peine potable, une piscine trop petite, des voyages dans le Sud au moins trois fois par année. Johnny, ce pauvre camionneur qui ressemblait un peu au prince William, n'était jamais au bout de ses peines pour combler les besoins insatiables de sa princesse qu'il finissait parfois par détester.

-J'aurais mieux fait de ne pas avoir d'enfants avec elle, qu'il se disait chaque fois qu'il se sentait pris à la gorge.

Ça finissait par lui passer. Il savait, d'instinct, qu'on n'est pas sur terre pour être heureux. Autrement, tout le monde le serait autour de lui. Jack, Bob et Ti-Luc faisaient face au même type de problèmes avec leur conjointe. C'était dans l'ordre surnaturel des choses. On doit payer le prix pour avoir trempé son pinceau...

Nancy Parmentier est tout de même une foutue pimbêche et Johnny aurait tout à gagner à l'abandonner à son sort, dusse-t-il perdre sa maison, son auto et son chien. Par contre, l'idée de perdre ses enfants lui causait un pincement au coeur, même si ses trois chenapans lui témoignaient bien plus d'indifférence que d'amour sincère.

-Ils sont jeunes, qu'il disait, ils comprendront plus tard... Ils doivent tenir ça de leur mère...

Quant à Nancy Parmentier, elle vivait comme si tout lui était dû et elle ne manquait jamais au passage de souligner que Johnny était un raté. Il n'était pas un intellectuel, comme Hector le chirurgien et voisin d'en face. Il n'avait pas encore de voilier, comme Réjean, le Français qui roulait sa bosse dans le domaine des assurances. Johnny n'était qu'un camionneur qui se lavait avec du Irish Spring, un savon dont l'odeur répugnait totalement à Nancy Parmentier. Elle se demandait comment elle avait pu avoir des enfants avec Johnny. Elle en voulait au vin de lui avoir fait tourner la tête au moins trois ou quatre fois dans le lit, au point d'en oublier les moyens de contraception.

Nancy Parmentier n'était pas devenue une poétesse. Elle s'était contentée d'un misérable poste de bibliothécaire obtenu sans gloire ni honneur. Elle le devait à son père qui occupait les fonctions de conseiller municipal. Cela faisait maintenant quinze ans qu'elle était prisonnière de la bibliothèque. Prisonnière de tous ces gens qui venaient l'emmerder avec des emprunts de livres.

Elle ne disait jamais bonjour, évidemment.

Dès qu'une personne se présentait devant elle, Nancy Parmentier s'emparait des livres et les scannait pour confirmer l'emprunt ou le retour, sans plus.

Si l'on avait le malheur de lui poser une question, elle répondait sèchement en signifiant son impatience.

-Est-ce que vous avez les 120 journées de Sodome?

-Vous pouvez regarder vous-même dans le catalogue...

-Vous pouvez pas faire ça pour moé sur votre ordi?

-Y'a beaucoup de monde monsieur... J'ai pas juste ça à faire...

Vous voyez le genre, n'est-ce pas? Nancy Parmentier a toujours l'air bête. Tous ceux et celles qui fréquentent la bibliothèque pourront vous le confirmer.

Elle a tout de même fini par frapper un os. Et c'était pas plus tard qu'hier.

Il y avait une dizaine de personnes qui attendaient de passer devant elle qui, exceptionnellement, n'avait pas pu profiter de son congé de la fin de semaine. Elle était donc plus furieuse et plus désagréable que d'habitude, ce qui n'est pas peu dire.

Pas de bonjour. Ni de au revoir. Les citoyens passaient devant elle comme si elle triait des jetons dans une usine.

-Suivant! qu'elle criait.

Puis tap, tap, tap sur le clavier. Zip, zap les livres scannés. Puis bye, bye sortez d'ici que je ne vous revois plus jamais.

Malheureusement pour elle, Georges Marchamps fût l'os qu'elle frappa.

Marchamps est un grand et gros gaillard qui ne se laisse pas piler sur les pieds. Il déteste encore plus que tout que l'on se permette de piler sur les pieds de ceux qui ne réagissent pas à ce manque de délicatesse.

Onze lecteurs étaient passés devant Georges Marchamps pour se faire revirer comme une crêpe par l'ineffable Nancy Parmentier.

La moutarde lui montait au nez dans la file d'attente. Et quand vint son tour, le brave homme explosa.

-Qu'est-cé? T'es pas capable de dire bonjour? T'as-tu un crayon d'figé dans l'cul?

-M'sieur soyez poli ou...

-Ou quoi ma tabarnak? Ça fait dix personnes que tu niaises... T'as toujours une hostie d'face de cul chaque fois que j'passe devant toé... Ça t'tenterait pas d'sourire des fois, hein, au lieu d'avoir c'te calice de face d'air bête de calice?

-M'sieur soyez poli ou...

-Ou tu vas plisser du front? Christ! C'est nous autres qui t'paye hostie d'folle de ciboire! Check toé aller sacrament de niaiseuse! Pas de bonjour. Pas de au revoir. Rien que ta face de bouette... Pis tu trouves ça normal que personne ne réagisse? Tu tombes mal avec moé... Moé j'sais pas vivre avec ceusses qui savent pas vivre... Scannes mes livres que j'décrisse... J'veux juste p'us voir ta face de robot...

Nancy Parmentier a fermé sa gueule et scanné les livres de Georges Marchamps.

J'aimerais vous dire qu'elle changeât de tempérament pour les clients suivants. Ce ne fût pas le cas. Elle continua d'accueillir les gens pitoyablement.

Au retour à la maison, elle se défoula sur Johnny puis sur ses enfants.

-T'es vraiment un incapable Johnny... Sandra demeure dans un pas mal plus beau quartier que nous autres et elle n'a pas besoin de travailler parce que son mari fait trois cent milles par année... Pis toi tu n'demandes pas d'augmentation d'salaire, tu t'contentes d'un petit soixante milles par année... Qu'est-ce que tu fais pour améliorer ton sort? Rien. Pis moé la folle faut que j'travaille à la bibliothèque pour voir toujours les mêmes maudites faces de schtroumphs à lunettes... Est belle en calice notre vie! C'est à peine si t'es capable d'offrir l'école privée à tes enfants, maudit innocent! Quand est-ce que tu vas payer ma lipposuccion? Pis j'ai besoin d'injections de botox... Tu m'as dit qu'tu les paierais pis j'attends encore!

Nancy Parmentier est vraiment une christ de folle, tout le monde s'entend là-dessus.

Mille personnes feraient mieux qu'elle en tant que bibliothécaire.

Cependant, leur père n'est pas conseiller municipal...


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