jeudi 30 juillet 2015

Les humains sont Québécois

Le grand Gilles Vigneault, qu'il est coutume de mépriser chez les gens qui n'ont pas plus de coeur que de jugement, a fait bien plus qu'écrire des hymnes à l'honneur de son pays. S'il était né Étatsunien, on le respecterait tout autant que Woody Guthrie. Le malheur voulut qu'il naisse Québécois. D'où la difficulté de reconnaître sa grandeur parmi ceux qui se contentent du statut de colonisé et de censitaire.

Dans son ode Mon pays c'est l'hiver, Vigneault nous chante ceci:

De mon grand pays solitaire
Je crie avant que de me taire
À tous les hommes de la terre
Ma maison c'est votre maison
Entre mes quatre murs de glace
Je mets mon temps et mon espace
À préparer le feu, la place
Pour les humains de l'horizon
Et les humains sont de ma race


Ce nationalisme-là, vous en conviendrez, n'a rien de raciste. Il représente le meilleur de nous-mêmes en tant que Québécois, tous fils et filles d'immigrants, qui sont venus atterrir sur cette terre vierge dès la fonte des glaciers qui la recouvraient.

Quand j'entends des Québécois tenir des propos à l'encontre des réfugiés, je ne peux que m'insurger contre leur saleté intérieure. Le Québec a été, est et sera toujours une terre d'accueil pour tous les malpris, malpropres et mal-aimés de la Terre. Être Québécois ou Autochtone n'est pas tant une affaire de génétique qu'une affaire philosophique. Il y a une pensée généreuse à l'origine de Québec, alias Wabanaki, le pays où le soleil se lève. Cette pensée laisse entendre que la Terre n'appartient à personne. Tout le monde y est bienvenu. On ne peut pas se l'approprier en y plantant une croix ou bien en y récitant des prières pour exorciser un autre que l'on considère comme un démon.

Je n'endosse d'aucune manière le racisme ouvert tout aussi bien que rampant.

Les "je ne suis pas raciste mais" font honte aux Québécois.

Si vous n'êtes pas raciste, tant mieux. Mais n'essayez pas de vous protéger de passer pour un facho en vous protégeant derrière des lieux communs.

Je n'aime pas les religions, toutes les religions. Je crois qu'elles sont le contraire de la spiritualité. Comme le disait l'écrivain et journaliste algérien Kamel Daoud: "La religion pour moi est un transport collectif que je ne prends pas. J'aime aller vers ce Dieu, à pied s'il le faut, mais pas en voyage organisé." 

Cela résume plutôt bien ce que je pense à sujet. Néanmoins, je suis prêt à laisser quiconque croire au pouvoir magique des pattes de lapin porte-bonheur même si cela me semble contraire à toute quête de sens digne de ce nom. Portez un turban, un linge à vaisselle ou bien un entonnoir sur la tête: cela ne me regarde pas. À moins que vous n'obligiez tout le monde à le faire. Ou bien que vous vous empariez des institutions publiques pour vendre vos billets pour vos voyages organisés.

Je trouve inconvenant d'entendre des catholiques prétendre qu'on ne respecte pas les traditions québécoises quand on souhaite assurer la neutralité des institutions publiques. C'est d'autant plus inconvenant que toutes les églises ferment l'une après l'autre et que tout nous porte à penser que les Québécois sont majoritairement agnostiques, pour ne pas dire protestants qui s'ignorent, déistes ou bien athées. La tradition catholique est un cheval mort. Ce n'est pas parce quelques curés portent encore la dépouille du cheval sur leurs épaules qu'il va se remettre à galoper.

Le Québec n'appartient à aucune tradition. Il se bâtit à chaque jour avec des gens nouveaux provenant de tous les horizons. Il porte son passé, son présent et son avenir. Tous ceux qui veulent l'engluer dans la perpétuation de la même poutine seront amèrement déçus. Les seules valeurs qui se transmettront seront, en définitive, celles qui ont trait à la poésie, à la culture et à la grandeur d'âme des Québécois en chair et en os. Dollard des Ormeaux sera oublié. Et Lionel Groulx aussi. Un peuple ne se bâtit pas avec des bréviaires. Ni avec des tueurs d'Indiens génocidaires déguisés en héros vers lesquels on devrait tendre nos mains comme des palmes en marchant au pas de l'oie.

Gilles Vigneautl est un grand Québécois parce que sa poésie est universelle. Il ne parle pas de notre pays pour dire qu'il est le plus beau et le plus grand d'entre tous. Il en parle pour vanter sa bonté, son accueil, ses gens de parole qui ont la main sur le coeur.

Ce pays réel mérite d'exister et d'accéder au rang d'État indépendant. Les réfugiés et mal-aimés de la Terre y gagneraient une voix forte de plus à l'ONU.

Ce pays réel continuera de préparer le feu et la place pour les humains de l'horizon, parce que les humains sont de notre race. Les humains sont Québécois.



3 commentaires:

  1. Bien sûr !
    nous sommes québecois-es , cariocas-es , chinois-es , russes , africain-e-s , finlandais-e-s , arabes , parisien-se-s , que sais-je ? ...
    Toutes et tous humain-e-s .
    Mais pas tous et toutes !
    Alors pourquoi ?
    Parce que la seule nationalité qui vaille est la nation des humain-e-s !

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  2. @monde indien: tu penses comme un vrai Québécois! Tu es déjà bien intégré...

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  3. A propos de ce que dit Kamel Daoud ,
    je renvoie à la très belle chanson de Gilberto Gil
    ( bien que je sois athée )

    Se eu quiser falar com Deus
    ( Si je veux parler avec Dieu )

    Si je veux parler avec Dieu
    Il me faut être seul
    Il me faut éteindre la lumière
    Il me faut me taire
    Il me faut rencontrer la paix
    Il me faut défaire tous les noeuds ,
    de mes lacets , de ma cravate ,
    de mes désirs , de mes rancunes ,
    je dois oublier la date ,
    je dois oublier mon numéro de compte-chèque ,
    il me faut me retrouver les mains vides ,
    avoir l ' âme et le corps nus .

    Si je veux parler avec Dieu ,
    il me faut accepter la souffrance ,
    il me faut manger le pain
    que le diable a pétri .
    Il me faut devenir un chien ,
    il me faut lècher le carrelage
    des palais , des châteaux
    somptueux de mon rêve
    , je dois me reconnaîter triste ,
    et me voir lâche ,
    et malgré toute cette disproportion
    , réjouir mon coeur .

    Si je veux parler avec Dieu ,
    je dois partir à l ' aventure ,
    je dois monter jusqu ' au ciel ,
    sans corde pour m ' assurer ,
    je dois dire Adieu ,
    tourner le dos , m ' en aller ,
    sûr de moi , sur la route
    qui à la fin
    ne me mènera à rien ,
    rien , rien , rien , rien
    rien , rien , rien , rien
    rien , rien , rien , rien
    de que je je croyais trouver .

    http://www.vagalume.com.br/gilberto-gil/se-eu-quiser-falar-com-deus.html









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