Alexis Klimov m'a fait découvrir Dostoïevski. D'abord parce qu'il me fit lire Les Possédés, Crime et Châtiment et Les Frères Karamazov en une semaine, en préparation de son séminaire de philosophie et de littérature à l'UQTR.
J'alternais à cette époque entre Dostoïevski, le whiskey et les méthodes de lecture rapide. J'avais l'ambition de devenir encore plus habile que le Rat-de-bibliothèque dans les vieux épisodes de Batman. Je prenais un livre et, zipzap, je me le versais dans la tête sans effort. J'ai une sacrament de mémoire photographique, qui compense pour toutes les sphères d'activités où je suis moyen, sinon médiocre.
Mes amis du temps de l'université me ressemblaient. Des lecteurs fous furieux, avides d'entasser dans leur caboche tout ce qui s'était dit, écrit ou chanté depuis le début des temps jusqu'à nos jours.
Marginaux, bohêmes et indésirables, nous avions décidé de nous protéger des endoctrinements en nous cantonnant derrière les rayons de la bibliothèque. Quand la bibliothèque était fermée, c'était devant le comptoir du bar étudiant. Nous étions sur les barricades. Et rien ne nous semblait plus vrai que d'entendre Alexis Klimov nous demander de lire le tiers de l'oeuvre de Dostoïevski en une semaine. Ça ne pouvait être qu'un résistant, un brave homme qui nous montrait que le savoir, bien qu'inutile, était tout ce qui comptait.
L'amour de la sagesse, la philosophie, ce n'était pas de la connerie pour Alexis Klimov. Ce qui fait que c'est le seul professeur que j'aie connu dans ma vie, et je dis bien le seul, qui se soit mérité des applaudissements à la fin de ses cours, comme s'il nous avait donné le plus beau spectacle d'enseignement de toute notre putain de vie sale.
Alexis Klimov connaissait Dostoïevski comme pas un. Il a même écrit une étude sur Dostoïevski, parue aux éditions Seghers.
Ce qui fait que je me suis mis à dévorer de la littérature russe, profitant de la généreuse mémoire de Klimov, mais aussi de La bibliothèque idéale de Bernard Pivot, un livre qui présente les bons livres dans toutes les catégories.Un livre qui contribua beaucoup à l'accroissement de mes connaissances générales et de mes rêveries de contestataire métaphysique.
J'aime Dostoïevski pour la psychologie de ses personnages, des âmes tourmentées, jamais tout à fait mauvaises ou totalement bonnes. On sent chez Dostoïevski cet immense besoin de présenter le monde sous son angle le plus absurde afin de lui conférer une valeur de mesure étalon pour évaluer tout l'univers.
On fréquente Dostoïevski comme l'on fréquente un endroit sombre d'où jaillissent des éclats de lumière. Ce n'est pas la sérénité, jamais le bonheur, mais ce n'est pas pour autant sans tendresse. La tendresse de l'animal face à sa condition animale, si je puis me permettre de le décrire ainsi.
Je suis retombé la semaine dernière sur deux romans de Dostoïevski qui traînaient dans ma bibliothèque. Il s'agit de L'Adolescent et de Humiliés et offensés. Ils manquent à ma mémoire vive. Alors j'ai commencé à les télécharger dans mon âme. J'y retrouve ce bon vieux Fiodor dans ce qu'il a écrit de plus jeune. Je lis avec une certaine volupté. J'ai bon espoir de finir ma lecture d'ici une semaine. J'y reviendrai peut-être pour vous emmerder avec.
Je ne suis jamais parvenu à lire L'Idiot en entier. Je ne sais pas pourquoi. Peut-être que j'étais sur le point d'abandonner le whiskey. Il faudra que je m'y remette et que je secoue le Rat-de-bibliothèque qui sommeille en moi...
Ouais, pis après, tu nous raconteras. Et ce sera vraiment chouette.
RépondreEffacer«J'ai lu Guerre et Paix en cinq minutes grâce à la méthode de lecture rapide. Ça parle de la Russie.»
RépondreEffacerWoody Allen
PS: Je ferai mieux que Woody Allen avec Dostoïevski...