Je l'entends fendre le bois. Je l'entends casser des clous.
Et j'entends aussi gémir les uns et les autres, surtout la nuit, à deux pas des tripots du centre-ville.
Il fait toujours plus froid sur la rue des Forges même lorsque les nuits sont blanches. Les Forges sont éteintes depuis des lustres. Tout le lustre ne brille pas pour autant.
La froideur et la chaleur font du remue-ménage dans le Parc Champlain.
La fête est terminée. Il ne reste que les pots cassés. Et personne ne va payer pour ça.
Un type au dos recourbé livre Le Nouvelliste avec ses huit pages de nécrologie tandis qu'un perdant hurle en pissant au beau milieu de la rue. Tout le monde saura un jour que Ouellette-the-king is back. Pour le moment, il se pisse sur les cuisses comme une épave qui remonte difficilement à la surface.
Un autre camelot arrive tout aussitôt pour livrer Le Journal de Montréal avec ses flopées de chroniqueurs xénophobes ou souche-bags. Un abruti arrache des décorations de Noël. C'est le camarade de celui qui pisse au milieu de la rue.
Les nuits sont longues aux Trois-Rivières comme dans l'ensemble de la pelle Province.
Et j'entends le froid dans les nuits blanches.
N'importe quel froid.
Celui que vous voulez.
Vous en trouverez sûrement quelque part entre Téhéran ou Washington.
Les nuits sont blanches pour presque tout le monde.
On sent que tout ça ne mène nulle part. Et on trouve ça banal. Comme tout le reste.
Alors on se saoule de ceci ou cela.
Ici comme là-bas.
Et moi je vois ces nuits blanches.
Je les guette appuyé sur mon balai, ma pelle ou ma serpillière.
Comme le gars qui travaille de nuit.
Celui qui ne sait plus trop ce qu'il faudrait vous communiquer.
Celui qui vit en contact avec toutes les créations et créatures de la nuit.
Je vois le froid dans mes nuits blanches.
Et cela ne m'étonne guère.
Vivants et fantômes ne m'impressionnent plus.
C'est que j'entends aussi l'univers lui-même se refroidir.
Et je me dis, bof, c'est comme ça.
Puis je passe le balai.
Puis je passe la moppe.
Puis je m'en fous.
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