vendredi 14 octobre 2011

Le mal imaginaire de Langevin

Réfléchir avant d'écrire c'est comme regarder sa guitare sans la gratter. On finit par avoir l'envie de passer à autre chose. Nous ne sommes pas sur terre pour se casser la tête. On se casse suffisamment le cul comme ça. Alors aussi bien y aller toujours à la bonne franquette, à la va comme je te pousse, pour ne pas laisser la littérature se donner de grands airs nuls à chier.

Voilà pourquoi je vais vous raconter une connerie.

Si vous racontais un truc réfléchi, médité et ayant un quelconque but, sûr que ma prose finirait par sentir le poisson pas frais. Ce qui sentirait vraiment mauvais puisque ma prose à l'état brut contient déjà un fort lot d'expressions truculentes qui ne font pas toujours très propre. Cela dit qu'est-ce qu'il y a de plus fascinant qu'une belle langue vernaculaire, hein? Rien, les amis. Rien.

On ne se cassera pas le cul ce matin, chers lecteurs et lectrices, oh que non.

Et ma connerie?

Elle s'en vient. La voici.

Ça se passe dans un quartier populaire d'une ville tout à fait quelconque située dans la vallée du grand fleuve Magtogoek.

Il y a un genre de guérisseur qui s'est placé une pancarte de rippe pressée devant chez-lui. Ça jure un peu. C'est écrit en bleu sur fond mauve et gris. L'écriture est relâchée et l'orthographe aléatoire.

Le guérisseur, un petit frisé dans la quarantaine qui a l'air de revenir d'un trip de poudre, a cloué sa pancarte de rippe pressée contre le pilier du contretoit. Ça flashe.

GUÉRISON DE L'ARTRITE, DES RUMATISSES ET AUTRE MALADIE. 20 AN DE GUÉRISON. GUÉRRI AUSSI CANCER ET MAUS DE DO.

Devant la pancarte de rippe pressée, il y a une église qui doit bientôt être démolie. C'est une vieille église de briques aux murs croches.

On a beau démolir le cheval qu'il revient au galop, si je puis m'enfarger ainsi.

La foi sera démolie mais les miracles subsistent juste en face.

Et c'est ce gars-là qui s'en occupe sans trop mentionner les prix.

Dernièrement, Gérard Langevin passait par là avec son chum Réal Blanchette.

Les deux étaient encore saouls, bien entendu, et ce n'était que la fin de l'après-midi.

Langevin, un soudeur «soudure la semaine, saoul mort la fin de semaine», ne manquait jamais l'occasion de faire une farce.

Il donna un coup de coude à Blanchette pour lui signaler sa prochaine représentation.

Langevin va cogner chez le guérisseur. Toctoctoc.

Le guérisseur sort, avec sa tronche de crosseur.

-Oui? qu'il dit d'un ton faussement humble.

-Salut! lui répond Langevin, pince sans rire.

-Salut...

-J'ai mal au pénis. Toucherais-tu mon pénis pour cinq piastres?

Blanchette éclate de rire, évidemment. Le guérisseur se sent vexé, comprenant tout de suite qu'il a affaire à des plaisantins.

-C'est parce que j'ai vraiment mal au pénis... Mais j'ai juste cinq piastres...

-C'est pas comme ça que ça marche... réplique le guérisseur.

-Ah oui? Et comment qu'ça marche d'abord? Moé j'te dis qu'j'ai mal au pénis!

Bon, le guérisseur referme la porte derrière lui. Langevin et Blanchette continuent leur chemin jusqu'au dépanneur pour aller s'acheter de la bière. Comme s'ils n'étaient pas assez saouls.

Ça s'est passé dernièrement.

Quand? Je ne sais pas trop. Je ne retiens pas tout.

J'écris sans réfléchir.

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