mercredi 19 novembre 2008

NE LISEZ PAS DE REVUES DE CUL!


-Bon, voici l'ordre du jour camarades. En fait, il n'y a qu'un seul point: le point le marxisme-révolutionnaire d'un point de vue féministe au sein des cellules de Gauche Populaire, section sympathisante de la Quatrième Internationale dans l'État canadien... Qui propose l'adoption de l'ordre du jour? Maude? Tout le monde est d'accord? Ok.

Elle avait dit ça comme si le sort du monde en dépendait, les yeux exorbités, les yeux que devaient avoir les soldats de l'Armée Rouge sous le commandement de Léon Trotski. Des yeux fanatiques et meurtriers. Il était temps pour les camarades de se mettre au fait de toutes les luttes de libération, et le féminisme était franchement à la traîne chez les gars du groupuscule prolétarien.

Combien étions-nous? Bah, je dirais sept ou huit. La cellule jeunesse de l'organisation. Tous des camarades de moins de trente ans qui souhaitaient faire du Québec une république des Travailleurs et Travailleuses. Et pour ce faire, il n'y avait qu'à lire les livres de recettes: Marx, Engels, Lénine, Luxembourg, Trotski, Gramsci, etc.

Ce jeudi-là, la réunion de cellule portait sur le féminisme. Les gars de Gauche Populaire, pour tout dire, s'en foutaient un peu. Ce n'est pas qu'ils étaient contre le fait d'accorder une pleine place au soleil pour les femmes. C'est juste qu'ils se crossaient parfois en tenant d'une main une revue porno et de l'autre leur appendice masculin qu'ils étiraient sans malice, pour se dégraisser le salami.

Or, camarade Lucie avait trouvé toute une pile de revues pornos chez camarade Michel. C'était essentiellement des revues de filles avec des gros totons dont on voyait bien la moule sur à peu près toutes les pages, toutes dans des poses suggestives pour l'éducation d'un jeune révolutionnaire rempli de folles ambitions.

-On ne peut pas être marxiste-révolutionnaire et acheter des revues pornos! La pornographie, c'est dégradant pour les femmes!

Camarade Lucie nous faisait la morale. C'était le seul point à l'ordre du jour. Pas le féminisme, en fait. Mais la pile de revues pornos qu'elle avait trouvée chez camarade Michel.

-Ben là... se défendait le camarade Michel. J'ai pas fait de mal aux femmes! Je respecte les femmes! Tout le monde sait qu'il n'y a pas plus féministe que moi! Conscient des luttes de libération des femmes! Conscientisé!!!

-Non, camarade Michel! reprit camarade Lucie. Tu ne peux pas te dire marxiste-révolutionnaire et acheter autant de magazines où les femmes sont présentées comme des machines dociles et soumises, de viles esclaves sexuelles des hommes!

Personne ne disait rien. On sentait comme un malaise. Les deux autres filles présentes écoutaient camarade Lucie en hochant la tête pour souligner leur approbation. Camarade Pierre, un béni-oui-oui, opinait du bonnet lui aussi. Cependant, camarade Michel, ce grand maigre, et camarade Louis, ce petit gros, ne l'entendaient pas de la même manière. Moi aussi, par ailleurs. Quelque chose se révoltait en moi. Ce qui fait que j'ai sauté les plombs.

-Au diable Marx et Trotski si c'est pour nous empêcher de nous crosser, tabarnak! J'en ai déjà acheté des revues de cul et j'en achèterai encore si je veux sacrement! Crisse, c'est pas Soeur Angèle ou Rosa Luxembourg qui m'fait bander!

-Bien dit camarade Gaétan, j'approuve en ciboire! enchaîna le gros Louis.

-Et moi donc! ajouta Michel. J'ai toujours bien l'droit d'me crosser calice!

La discussion qui s'ensuivit fût houleuse. Nous allions tous trois être dénoncés devant les hautes instances de la Quatrième Internationale, rien de moins, comme étant des ennemis objectifs du marxisme-révolutionnaire-féministe-écologiste-et-contre-l'oppression-des-peuples.

Nous avons quitté la réunion vers neuf heures le soir. Puis nous sommes partis nous saouler la gueule dans un bar de danseuses, moi, le gros Pierre et le grand Michel.

Nous nous sommes moqués au max de ces maudites folles qui voulaient nous dépouiller de nos revues de cul. Nous avons bu comme des trous en regardant les filles s'enrouler l'une après l'autre autour d'un poteau.

Une fois bien saouls, nous ne disions plus que l'essentiel.

-J'pense que la politique, man, c'est d'la christ de marde...

-Moé too j'pense ça...

-Check z'y la pêche man... Oua!

Trotski pouvait aller se rhabiller. Le marxisme-révolutionnaire venait de perdre trois camarades. La touffe venait de se faire trois nouveaux alliés.

8 commentaires:

  1. Ha ha! Ça faisait longtemps que je n'avais pas lu un texte dans la blogosphère qui m'a autant plu.

    Ma plogue du jour!
    http://emerillon.niala.net/2008/11/citation-et-plogue-du-jour/

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  2. Je suis tout à fait d'accord avec toi... Faut pas virer folle au nom du féminisme, tant que le respect est à l'ordre du jour...
    Puis dans le fond, on le sait bien... Un beau p'tit décolleté fait avancer bien des dossiers politiques !

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  3. Merci pour la plogue Alain. J'te revaudrai ça!

    Magenta, le respect y'a que ça de vrai. Je trouve irrespectueux de dénoncer un pauvre type qui a une pile de revues pornos chez-lui.

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  4. Quand même vrai que c'est un peu dégradant pour les plotes.

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  5. Mistral, mon sacripant, tu dois me dénoncer devant les hautes instances de la Quatrième Internationale!

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  6. Je préfère avoir la plote (avec un t ou deux t) bien fraîche que bien rouge ... Ayoye !

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  7. Gordon, t'as du bois à scier à la chaîne. Elbie, Butch m'absoudra paske t'as couru après: j'ai toujours su que t'étais pas communiste!

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