mardi 2 octobre 2007

La société ouverte et ses ennemis

J'ai écrit le texte qui suit il y a deux semaines. Il a été publié sur le site du quotidien Le Devoir, dans la section des commentaires, alors que je réagissais à un texte de Denise Bombardier. J'ai cru bon de le partager avec vous puisqu'il constitue, en quelque sorte, un condensé de mes «opinions» dans le débat entourant les accommodements raisonnables.

Ceux qui se croient des intellectuels, au Québec, ne font généralement que s'embourber dans les délires et les mystifications des idéologies collectivistes. La philosophe Simone Weil avait raison de dire que «les collectivités ne pensent point». Seul l'individu peut penser, et penser seul, sans se soucier de plaire à telle ou telle bande de gredins, avec ou sans paillettes.
Or, l'acte de penser fait pitié au Québec. Tout converge vers la tribu, comme s'il fallait porter un chef sur un bouclier pour se mériter un micro ouvert. Les autres n'existent pas encore, jusqu'à ce que nous fassions notre «révolution Orange» qui nous débarrassera des faiseux de discours social-nationalistes et autres continuateurs de Borat aux yeux du reste du monde.
On ne pense pas ici, on hurle avec les loups, on crie des slogans, on ramène tout vers le plus bas dénominateur commun et, si la réalité trahit le discours, on s'en prend aux mots et on rôte des comptines d'enfants qu'on veut nous faire passer pour des traits de génie.
La conception de l'État, pour les Gardes Bleus de la Révolution québécoise, est intimement reliée à l'ethnicité.
Dans mon enfance, mon père qui était pourtant un Métis d'ascendance huronne-wendate de première génération, ne manquait jamais de nous rappeler que nous n'étions pas des «Sauvages», tout en nous narrant les exploits de Frontenac et Lévis comme s'il s'agissait vraiment de notre histoire. Contaminé par une histoire qui était loin d'être sans faille (on ne fête plus Dollard des Ormeaux, ce «conquistadore», brigand, tueur de bisons et de Sauvages...), mon père et ses parents ont appris à se confondre avec cette histoire qui, manifestement, n'était pas tout à fait la leur. La grande histoire des Wendates et des Métis reste encore à écrire.
Le Québec est occupé par des hommes depuis la dernière période glaciaire. Jacques Cartier et Samuel de Champlain n'ont rien découvert. Et j'aimerais bien connaître l'appellation sous laquelle les Autochtones identifiaient le territoire d'Hérouxville, par exemple, juste pour rappeler qu'il y a eu 10 à 15 siècles d'occupation humaine du territoire avant l'arrivée des Européens, au cas où ça intéresserait encore quelqu'un...
Quoi qu'il en soit, je ne me rattache pas tant à l'histoire d'une tribu que je ne me rattache à la formidable évolution des droits et libertés de la personne.
Les libertés collectives sont des abstractions qui ne donnent rien à qui que ce soit. Les libertés de la personne se goûtent concrètement dans la vie pour tout un chacun. Un État de droit c'est une personne plus une personne plus une personne, jusqu'à ce que tout le monde soit réuni. Un État ethnique, c'est la Grande Idée moins un traître, un vendu, un ennemi du peuple, bref une société qui refuse l'Autre et ne reconnaît qu'une seule manière de sentir et de penser la vie.

On aurait intérêt à relire «La société ouverte et ses ennemis» de Karl Popper avant que d'exprimer un point de vue à propos des «accommodements raisonnables» et autres faits divers entourant la consommation d'un sandwich au jambon.

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