jeudi 18 octobre 2007

Contre le renvoi vers la Tunisie de Saïd Jaziri

Je n’ai pas d’affinités avec les idées de l’imam Saïd Jaziri. Cependant, un principe doit ratisser plus large que le simple champ des affinités qui nous sont propres. Je suis athée et favorise non seulement la laïcité mais aussi les droits de la personne, même pour les imams, les prêtres, les chamanes, les prisonniers et, bien sûr, les immigrés.
Renvoyer Saïd Jaziri vers la Tunisie, alors que sa femme, une Canadienne, est enceinte de lui, cela ne fait pas honneur au Canada. Il me semble qu’on devrait en tenir compte.
M. Jaziri, Tunisien d'origine, n'a plus de statut légal au Canada depuis qu’il a perdu son statut de réfugié en 2006. Il aurait omis, entre autres, de révéler aux autorités canadiennes qu'il avait un casier judiciaire en France. Il aurait incité des gens à battre quelqu’un, ce qui n’est pas très fort, cependant il n’a battu personne depuis plusieurs années et, même si les idées de l’imam me répugnent, je crois que notre démocratie est assez forte pour ne pas se sentir menacée par un ex-délinquant qui a le malheur de s’être converti en porte-parole de la communauté musulmane par la force des choses, étant le seul imam à se prononcer sur des sujets chauds d’actualité pour alimenter la bête médiatique.
M. Jaziri affirme qu’il pourrait être torturé en Tunisie s’il y retourne. Il dit peut-être vrai. Qu’on ne me dise pas que les Canadiens cautionnent le renvoi vers la torture du père d’un futur citoyen canadien pas tout à fait blanc comme neige, mais peut-être pas totalement mauvais.
N’en faisons pas un bouc émissaire, même si c’est justement ce que lui reproche son casier judiciaire, d’avoir pris un homme pour bouc émissaire et de lui avoir fait administrer une raclée. Il a payé pour ses crimes, en France. Il n’en a pas encore commis un seul ici à ce que je sache, même si ses propos peuvent frôler la propagande haineuse contre les homosexuels.
Cet enfant qui naîtra sous peu pourrait un jour nous en vouloir à tous d’avoir été aussi sévères envers ce que d’aucuns au pays pourraient considérer comme un bon musulman, que je partage ou non ses croyances.
C’est facile de défendre ceux que l’on aime. C’est plus difficile de défendre ceux que l’on n’aime pas. Tout est une question de principes.
Je souhaite que le gouvernement du Canada accorde à l’imam Jaziri une prolongation de son statut de résident canadien pour des raisons humanitaires, compte tenu que sa femme est enceinte et qu’il pourrait, effectivement, subir la torture en Tunisie.
Je propose, par ailleurs, que les médias revoient leurs pratiques quant aux tribunaux populaires et autres dîners de cons qui ramassent de la cote d’écoute en diabolisant les uns et les autres. Si l’imam Jaziri avait pris une bonne gorgée de vin en chantant « En r’venant d’voir mon ragoût » de Lucien Boyer, le renverrait-on en Tunisie? Et le prochain qui ne voudra pas manger un sandwich à la graisse de roti de porc, on fera quoi avec lui?
Je suis à cent lieues des idées de Jaziri, mais mes idées sont aussi à cent lieues de toute forme d’intolérance envers qui que ce soit, dont ceux avec qui je suis foncièrement en désaccord.
Je m’oppose donc formellement au renvoi en Tunisie de Saïd Jaziri.

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