jeudi 13 avril 2017

Spider ou Marie-Claire

On l'appelle Spider dans les environs. Elle a pourtant un prénom. Marie-Claire vaut mieux que Spider d'un certaine et bonne manière. C'est que Marie-Claire n'a pas vraiment choisie de se faire appeler Spider. Ça lui est tombé dessus comme une maladie que ne comprennent pas les gens qui ne sont pas malades. La bonne santé, ça impose le respect et ça donne des leçons. Marie-Claire n'en avait plus aucune à donner. Aussi étrange que cela puisse paraître, elle vendait ses charmes dans le quartier.

Elle n'était ni charmante ni charmeuse. Il fallait que ses clients soient des gens pour le moins bizarres. On n'ose même pas imaginer ce qui se passait dans leur tête. C'est que Spider avait les pattes arquées comme celles d'une araignée qui ne monterait pas jusqu'au plafond. Elle n'était pas dangereuse, Spider, mais elle se payait la bière et les cigarettes avec les moyens que sa misère lui offraient.

On lui voyait toujours la touffe même sans le vouloir.

Sa jupe était tellement courte qu'elle exposait en permanence ce qui ne dura qu'un printemps.

Ça ne l'était plus, et depuis longtemps, pourtant Spider continuait de pratiquer le plus vieux métier de sa chienne de vie.

Elle parlait toute seule, Spider. Enfin, pas tout à fait toute seule. Elle parlait avec son chien, Guili. C'était une espèce de sac à puces. Ses yeux étaient camouflés sous un fort pelage laineux. Il jappait pour répondre à Spider, sa maîtresse.

-Ma tante Émérentienne, tu l'sais Guili, ma tante qui était de Hervé Jonction... Bin elle avait marié le beau-frère de mon beau-père qui était foreman à la scierie de St-Narcisse... T'sais le gars qui portait un chapeau...

On se demande parfois qui de Guili ou de Spider mène l'autre. Peut-être unissent-ils leurs forces. Il faut bien trouver de la chaleur humaine en ce bas monde. Dusse-t-elle ne se trouver que sous la forme d'un sac de laine qui ne sent pas bon.

Les clients l'arrêtent parfois. Spider est devenue tellement célèbre qu'elle ne fait plus le trottoir. C'est le trottoir qui l'a faite. Elle y circule maintenant comme dans un ignoble royaume qui n'est pas si pire que tout ce que l'on n'a pas.

-Spider! T'auras-tu l'temps tantôt genre... ahem...

C'est Ti-Dré Bournival, un gars qui travaille pour la Ville.

-Faut qu'j'aille m'ner Guili à ma maison avant... Tu l'sais qu'j'aime pas laisser Guili dans 'a cour des autres si j'va's che'-vous Ti-Dré. Parce que Guili y'est pas toujours patient patient j'aime autant te l'dire! Guili c'est pas un ti-gars patient, non monsieur! Hin qu't'es pas un ti-gars patient Guili mon snoro?

Spider se retrouve avec quelques Ti-Dré Bournival dans la journée. Puis elle rentre se coucher avec quelques bières, deux paquets de cigarettes, un gros sac de Fritos, du manger à chien. Guili est aux anges.

Elle lui fait faire des cabrioles, Marie-Claire.

Et elle délire sur sa tante Émérentienne jusqu'aux matins, tous les jours, tous les soirs, tout le temps.

Pas moyen de savoir pourquoi. Personne ne s'y intéresse. Même pas Guili.

Les clients ne font pas les difficiles.

Ils recherchent de l'exotisme.

Ils laissent Spider parler de sa tante Émérentienne.

En autant qu'ils soient vidés.

C'est la loi de cette jungle.

On n'y remplit rien sans se vider.

Marie-Claire ne recherche plus rien.

Elle ne se souvient même pas d'avoir cherché quoi que ce soit.

Sinon d'la dope, des cigarettes, d'l'alcool, du manger pour chien.

Elle aime aussi les sous-marins du dépanneur.

La cuisine fancy avec des Âsparges ce n'est pas son fort.




2 commentaires:

  1. Notre voisine de couloir est à peu près comme elle -
    Une grande droguée - tellement désespérante qu ' on peut m^me plus avoir de compassion pour elle - histoire de nous préserver un peu de bonheur -
    Je me suis déjà occupé de drogués - c ' est très difficile -
    Je ne pourrais pas non-plus être un psy bien que je comprenne assez bien le sujet - je n ' en ai pas l ' énergie - Ni m ' occuper de taulards , bien que j ' en ai connus .
    Faire ce qu ' on peut - c ' est déjà beaucoup -

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  2. @Monde indien: Voilà pourquoi je préfère m'occuper de littérature. J'y trouve quelque chose de tonique.

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