mercredi 10 août 2016

Mort d'un député ivrogne et plein de marde

Un député venait tout juste de mourir d'avoir trop bu. Ce député, dont le nom m'échappe, était reconnu pour avoir été un opportuniste qui choisissait ses causes en fonction des articles de journaux. Son empathie avait presque toujours été feinte. Il avait toujours trouvé que sa femme était chanceuse d'être avec un homme de sa notoriété. Il n'avait jamais compris sa jalousie à l'égard des stagiaires qui lui suçaient la graine. Ses enfants allaient tous à l'école privée. Ses amis étaient tous des gens d'influence qui lui payaient de beaux costumes et l'invitaient à boire avec eux en quelque endroit paradisiaque digne des hommes d'exception comme il l'était.

Ce député avait sacrifié son foie pour rendre service à son pays. On peut donc comprendre que tout ce qu'il y a de vacillant, de croche et de corrompu dans la colonie se déchirait la chemise pour lui rendre hommage. La sainte trinité n'allait pas se montrer ingrate envers l'un des leurs. L'église, la politique et le monde des affaires se serraient les coudes pour lui faire des funérailles dont ne seraient pas dignes un ouvrier, une mère de famille ou bien un ramasseur de bouteilles vides, gens inutiles s'il en est.

Toute la semaine les licheux de cul des médias avaient vanté la carrière de ce député en lui prêtant toutes sortes de qualités qu'il n'avait pas. Voilà qu'il était devenu noble, altruiste, romantique, irremplaçable, comme si le bon Dieu lui-même était mort sur sa croix.

À tous les jours, au bulletin de nouvelles, on vit des faux-culs nous débiter leur laïus sur les vertus de cet ivrogne sans-coeur et sans-dessein. Ce député inculte n'était pas capable d'écrire une phrase sans fautes. Il baragouinait un anglais d'arrière-colonie qui lui conférait l'illusion d'être l'égal de ses maîtres. C'était, à tout point de vue, un incompétent comme on en voit trop souvent en politique. Un incompétent qui soutenait qu'on devrait augmenter le salaire des députés pour attirer des candidats de son calibre...

Les funérailles eurent lieu à la cathédrale de sa région. Ce jour-là on peut dire que tout le secteur était paralysé par le défilé des limousines ministérielles et autres coquins du monde des affaires. Les prêtres avaient mis leurs habits les plus flamboyants, avec de belles croix en or, des bagues avec des diamants gros comme ça, tout pour nous rappeler que le Christ leur était tout à fait superflu.

Les policiers, évidemment, entouraient tous ces gens d'élite, tellement près du peuple qu'ils ne tolèrent pas sa présence.

Comme tout ce beau monde était rassemblé sous les projecteurs des journalistes et autres propagandistes hors du commun, voilà que Jos Falardeau, un ramasseux de bouteilles vides toujours un peu trop fantasque, tenta de se frayer un passage au travers de cette foule de gens honorables qui lui barraient la route.

-Chu toujours bin pas pour faire un détour tabarnak! Ça va me prendre une demie heure de plus...

Il rencontra tout de suite la résistance des policiers qui lui interdirent de passer avec son vélo auquel était attaché un petit chariot rempli de bouteilles et de canettes vides.

-Vous ne pouvez pas passer monsieur... C'est les funérailles du député Untel...

-Ouin mais moé faut qu'j'passe par-là sinon ça m'fait un christie de détour...

-Vous pouvez pas... Circulez!

-La rue est à tout l'monde! Laissez-moé passer!

On ne le laissa pas passer. Jos fit donc un grand détour.

-Révolution! qu'il ne manqua pas de signifier aux policiers en tendant le poing gauche.

Arrivé chez-lui, dans son modeste studio, son voisin lui demanda comment il allait.

-J'va's bien! Sauf que j'ai faitte un hostie de détour à cause qu'il y a les funérailles du gros christ de pourri de député du comté d'à côté...  T'sais, el gros calvaire qui couche avec des putes pis qu'i' leu' d'mande d'lui chier dessus? Sont toutte là à dire qu'i' était beau pis fin pis, j'te l'dis, c'te christ-là c'tait une ordure qui travaillait pour la mafia! Sarah a couché a'ec lui pis m'a toutte conté c'qu'i' l'obligeait d'faire c'te gros malpropre! C'est pas moé pis toé qui vont avoir des funérailles de même quand on va être mort... I' vont crisser nos cendres dans une fosse commune pis parsonne se souviendra de not' nom...

-T'as bin raison Jos... Veux-tu une bière?

-Pourquoi pas mon ami... Pourquoi pas...

La bière fit pchiit après que le voisin l'eût décapsulé.

Puis les cloches de la cathédrale résonnèrent très fort et très longtemps.

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