C'était quelque chose comme un petit peuple replié sur lui-même.
Ce peuple promenait un Cheuf sur un bouclier et cultivait la peur du monde entier.
C'était un peuple servile qui se croyait libre quand ça faisait l'affaire du Cheuf.
Et le Cheuf ne serait pas arrivé là où il est s'il ne savait pas Tout... n'est-ce pas? Ce peuple ne réfléchissait pas, voyez-vous. Ce peuple adorait soit des idoles, soit des statues de plâtre. Ils n'étaient pas très évolués mais très au fait qu'ils étaient les meilleurs en tout. Pouvait-il y avoir mieux que cette Nation sur la Terre? Non.
Toute remise en question des méthodes et traditions était perçue comme un crime condamnable de la pire peine qui soit.
Il fallait marcher les fesses serrées parmi ces pissous qui avait appris à ramper sous le bouclier du Cheuf.
«Et Nation par ici, et Nation par là!», le Cheuf n'avait que le mot Nation en bouche pour impressionner son peuple essentiellement constitué de peureux et de larbins dénués d'honneur autant que d'humanisme.
L'empire médiatique de la Nation était au service du Cheuf et mettait de l'avant toute une gamme de petits êtres vils et mesquins pour vider le coeur autant que les poches de tout ce petit peuple apeuré et facilement exploitable.
Les «Autres» étaient donc effrayants pour ce petit peuple soumis et toujours à genoux devant son Cheuf. Cette Nation n'était pourtant qu'une pitoyable colonie. Elle avait pris racine dans le sacrifice des Autres, de ceux et celles qui n'auraient pas dû être là puisque la Nation allait briller sur leur territoire non-cédé...
Les Autres ne seraient jamais comme Nous. Aussi bien les tenir à l'écart, dans des enclos.
Les Autres contaminaient l'esprit des enfants qui se mettaient à critiquer la Nation et à s'inventer des identités sexuelles jamais vues ni d'Ève ni d'Adam.
Il fallait donc faire disparaître les Autres. Boucher toutes les entrées. Créer des espaces bleus ou je ne sais trop quelle merde nationaliste dégoûtante. Se masturber dans un drapeau en hurlant sa foi en la Nation. Crier sur tous les toits les noms des personnages des téléromans de la Nation. Chanter les louanges de tous les mangeux de marde racistes et sexistes. Tenir pour des essais en sociologie les vulgaires basses oeuvres des scribes du Cheuf. Tenir pour des intellectuels des poules et des dindes pas de tête. Avoir l'apparence d'un pays tout en n'étant qu'un marécage national où ça sent franchement mauvais.
Les Autres ne voulaient pas se laisser disparaître...
Ils étaient toujours plus nombreux et cette Nation de tarlais et de tarlaises toujours plus enfoncée dans un passé glauque et peu glorieux de larbins soumis à un Cheuf.
On savait tous et toutes que la non-histoire de cette Nation touchait à sa fin.
On savait aussi qu'avant de crever elle ferait encore quelques dégâts. Peut-être pour rappeler aux Autres de ne plus jamais ressusciter cette Nation-là . Cette abstraction avilissante qui rampait sous le bouclier d'un Cheuf porté à bout de bras par ces nullités qui se croyaient l'élite de la Nation.
Oui, ils étaient de plus en plus isolés, dans leur coin, à porter un Cheuf sur un bouclier.
Ils étaient de plus en plus près du bord de la Mer, dernier bastion avant que de se noyer.
Ils étaient depuis trop longtemps nulle part et n'importe où en même temps.
Cette Nation de pissous qui traînent un Cheuf sur un bouclier était désormais trop malade et trop fatiguée pour continuer ainsi.
Elle était comme le Roi Lear qui parle de sa grandeur passée tout déguenillée sur la plage.
Elle était ridicule.
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