Il est de coutume chez les bouddhistes de tradition zen que
de créer des mandalas avec de la poussière colorée. Ils s’installent dans un
endroit haut perché, une grotte par exemple, et ils la protègent du vent tout
au long de la conception du mandala de poussière en couleurs. Puis quand vient
l’heure du dévoilement, ils enlèvent les voiles et laissent le vent venir
charrier tout ça un peu partout dans l’univers.
Tout est appelé à disparaître et les bouddhistes zen ne sont
pas de nature à s’accrocher à l’éternité.
Comme nous ne sommes pas tous des bouddhistes zen, certains
d’entre mes collègues artistes ont cette manie de cristalliser leurs œuvres
sous plusieurs couches de vernis pour les prémunir contre le temps.
Léonard de Vinci, comme vous le savez, était inventif. Vous
savez aussi sans doute qu’il ne peignait pas que des Joconde. Il lui arrivait
de réaliser des fresques, des batailles épiques et toutes sortes de trucs
religieux pour remplir de contentement les cardinaux ventripotents et les
monarques malpropres.
Un jour il a peint une de ces chapelles avec une technique
connue que de lui seul qui donnait l’impression d’avoir affaire à une
photographie avant la lettre tellement l’œuvre suintait de réalisme. Leonardo
mélangeait de la cire à ses pigments et peignait avec ses doigts. C’est du
moins l’avis des experts que je ne citerai pas
puisque je suis paresseux. J’ai peut-être pris ça dans un documentaire
sur ARTE. Cela me surprendrait que ce soit à TVA. C’est du domaine public. Même
un inculte comme moi peut s’y référer comme à un proverbe tiré des pages roses
du dictionnaire Larousse qui pète à tout vent.
Quoi qu’il en soit, avec les étés chauds du pays de la
botte, l’Italie elle-même oui monsieur, eh bien toutes les belles fresques du
génie se sont transformées en foirasse. La cire a fondue et les couleurs se
sont éparpillées ça et là, au grand désespoir de Vinci. Il passa bien sûr pour
le roi des cons parmi tous les artistes-peintres de son temps. Tellement con
qu’il se vengea avec la Joconde et l’invention prématurée de la mitraillette,
refusée par ses mécènes qui trouvaient Vinci un peu trop cannibale. On retient
la Joconde, hein, mais qu’en est-il de sa mitraillette, de sa grenade, de son
hélicoptère, de son sous-marin? Le temps efface tout, qu’on le veuille ou non.
Vinci aura été reconnu pour les mauvaises raisons, lui qui espérait tant tuer
les ennemis de ses commanditaires avec des armes de destruction massive.
Il ne faut donc pas s’acharner à comprendre quoi que ce soit
à l’art.
Faites-en parce que vous aimez ça.
N’en faites pas si vous n’aimez pas ça.
Et attention aux peintres frustrés qui voudraient inventer
des mitrailleuses comme d’autres architectes et aquarellistes ratés
souhaitaient créer l’Allemagne-toi-l’cul.
Il y a des limites à se magner.