samedi 27 février 2010

Deux-brins-sur-rien


Il est tout petit, petit. Tellement petit qu'on dit qu'il tient deux brins sur rien. D'où son surnom, Deux-brins-sur-rien.
Deux-brins-sur-rien c'est le monsieur qui demeure juste au-dessus du bar Le Grabuge. Il est minuscule, un paquet d'os de cinq pieds trois pouces qui marche comme une grenouille qu'on vient de faire frire. Même son visage est semblable à celui d'un batracien. Deux-brins-sur-rien a deux yeux globuleux qui clignent à gauche et à droite, comme ceux d'une proie qui se croit en danger dans une ville fondamentalement méchante envers les touts petits.

Deux-brins-sur-rien a des cheveux noirs de gras, peu de barbe au menton et une grosse bouche triste. Son nez est inexistant et il n'a pas de sourcils. Vous vous faites une image? Parfait.

C'est pas un homme qui boit, Deux-brins-sur-rien, et il reste au-dessus du bar juste parce qu'il s'est fait enfirouâpé par Tommy dit l'Oignon, le coquel'oeil qui travaille pour At Last Immobilier, une compagnie à numéros qui possède tous les taudis du coin. L'Oignon est râtoureux quand c'est le temps de louer ses coquerons. Deux-brins-sur-rien s'est retrouvé en un rien de temps au-dessus du bar Le Grabuge, dans un studio aux murs moisis avec des tapis qui sentaient le pipi de chat.

L'Oignon doit son surnom à son haleine. Il a l'air d'un gros joufflu rieur. Le genre de gars qui fera de la politique un jour. Coquel'oeil à cause de son oeil mort, remplacé par une prothèse réaliste mais figée à jamais.

-Regarde Deux-brins-sur-rien! s'excita l'Oignon la fois où il lui fit visiter le logement. Regarde! Icitte t'as toutte! D'l'eau chaude, d'l'eau frette, alouette! Ha! Ha! T'as même un p'tit frigidaire pis tu peux aller laver ton linge en face, à 'a buanderie Mado. L'autre locataire est parti sans payer pis y'a laissé sa tévé icitte. Ça fait que tu peux la prendre, mon boss t'la donne... On est-tu smatte ou pas, hein?

-Y'a pas d'douche... pas d'bain... avait répondu Deux-brins-sur-rien.

-Des douches? Des bains? J'en prends jamais moé! répliqua l'Oignon. Moé, j'me lave à 'a mitaine, comme ça, zipzap, pis la p'tite poche sent bon comme une poche de thé! Hé! Hé! Pis en plus, ben c'est meilleur pour l'environnement! E'l'monde gaspille de l'eau en joual vert! Ça gaspille ben qu'trop!

-C'est combien?

-Pas cher! Deux cent soixante-dix piastres par mois. Chauffé, éclairé. Mais pas nourri!!! Hi! Hi!

Ça fait bientôt dix ans que Deux-brins-sur-rien et l'Oignon ont tenus cette conversation. Dix ans que Deux-brins-sur-rien demeure au-dessus du bar Le Grabuge.

Du lundi au mardi soir, c'est parfois calme. Le reste du temps, ça brasse comme c'est pas possible et Deux-brins-sur-rien porte alors des bouchons.

-J'dors ben avec des bouchons, qu'il dit, Deux-brins-sur-rien.

C'est du moins ce que nous a raconté l'Oignon.

L'Oignon vient souvent au bar Le Grabuge mais c'est rare qu'il croise Deux-brins-sur-rien parce que, comme vous le savez déjà, il ne boit pas et ne fréquente pas les bars, Deux-brins-sur-rien.

Il passe le plus clair de son temps à marcher sur les trottoirs. On le voit parfois à la pharmacie et parfois au supermarché.

Il ne parle à personne parce que personne ne veut vraiment lui parler.

On lui trouve un air bizarre.

Deux-brins-sur-rien parle tout seul depuis deux ou trois ans. Oh! Il n'en a pas long à dire mais il le dit de plus en plus souvent. C'est inquiétant. Il dit... Hum... Qu'il le dise lui-même:

-Ragrawrawgrawitcz! Ragrawgrawgitch! Rarara! Rara!

-Qu'est-cé qu'i' a à gricher lui calice? commentent les passants.

Et Deux-brins-sur-rien continue. Jusqu'à ce qu'il retrouve son coqueron, juste au-dessus du bar Le Grabuge. Un coqueron de la compagnie à numéros At Last Immobilier, représentée par cet hostie de coquel'oeil de Tommy dit l'Oignon.

5 commentaires:

  1. des fois, je te juge assez "hermétique", en fait.

    continue ton manège, grizzly-dracula.

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  2. poaime :

    l'autre soir
    l'autre nuit
    m'enfuyant dans un cajibi de coulisse
    me laissant errer
    sans énergie

    tu sais la pluie sur les pavés
    c'est la mère
    l'eau
    la pluie

    l'eau dans une rigole
    acheminée comme ça
    c'est plus comme avant

    l'eau drainée
    acheminée
    c'est plus comme avant

    me manque un élément

    l'amour peut-être
    douce coulisse d'espoir éféminé
    dans ton être que je cherche pour enfin rencontrer
    et qui n'existe que si peu
    comme un éclair
    le long de la longée

    s'allonger

    "redresse toi" ils disent
    mais je ne sais que faire
    alors j'obéis...

    et une fois debout encore
    je revois l'oubli

    ne m'exaspère plus à tenter encore de me relever

    chuis pas comme toi
    faudras t'y faire

    tout ce que j'espère, c'est toi
    mais t'es jamais là

    ça vient peut-être de moi
    va savoir

    qui t'es
    qui je suis

    abandon intégral dans la pluie

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  3. jamais cru une once de ce que j'avançais...
    tenais à TE le dire, si c'est pas encore compris...

    bref

    tiens :

    http://www.youtube.com/watch?v=2iHEgDXeGaU

    faut être con et humain pour croire une seule minute en ce qu'on dit!
    bref!

    font chier.

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  4. C'est moi qui a montré à Mort comment écrire poaime ! Il n'est jamais trop tard pour apprendre.

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  5. l'emphase, tss!
    vas te cacher

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