dimanche 14 février 2010

Doubidoubidou

-Doubidoubidoubidouwa! qu'il chantonnait, Grimard, en lavant ses planchers.

Il était tout le temps content, Grimard. Jamais de mauvaise humeur. Il lavait ses christies de planchers tous les jours de la semaine, sans interruption, trois cent soixante-six jours par année bissextile, comme un vrai jobber payé «en d'sour d'la table», au noir, avec quelques à côté comme la bière gratuite.

Grimard était un petit homme de cinq pieds deux pouces. Il était chauve et imberbe. Ce qui fait qu'il ressemblait à monsieur Net en plus petit et en surtout plus bedonnant. Grimard avait un tic dans l'oeil gauche. Sa paupière y clignotait sans cesse. Ce qui conférait à son regard une certaine asymétrie qui le rendait d'emblée sympathique.

Grimard chantonnait en lavant ses planchers, au bar Le Gorgoton des Barbares. C'était un bar tranquille où l'on ne faisait jouer que du cool jazz ou bien de la musique d'ascenseur. Grimard jurait un peu avec ses doubidoubidoubiwawas mais on ne pouvait pas dire qu'il était de mauvaise humeur. Ce qui fait qu'on le gardait.

-Doubidoubidoubiwa! qu'il chantonnait, Grimard, tous les jours, tout le temps.

On a tous fini par l'imiter, évidemment.

Georges, le notaire, passe maintenant toutes ses journées au bureau à reprendre Grimard.

-Doubidoubidoubiwa! qu'il chantonne, toute la journée, tout le temps.

Et c'est pareil pour Maude, docteure à l'hôpital régional, et pour Henri, livreur d'eau de source. Stan le facteur. Jocelyn, le gars qui étudie en informatique. Pis Hélène, la barmaid. Pis tous les autres, toute la journée, tout le temps: ils font maintenant des doubidoubidoubiwawas!

Il ne faut jamais mépriser l'influence qu'un seul homme peut avoir sur la société qui l'entoure.

Grimard a parti la mode des doubidoubidoubiwawas. Tout le monde, j'vous l'dis, tout l'monde fait maintenant comme lui, oui, comme lui!

Doubidoubidou.

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