lundi 12 septembre 2011

Les forêts de mon patelin

Trois-Rivières était plus vert il y a trente ans, même s'il y a plus d'arbres au centre-ville de nos jours qu'il n'y en avait à l'époque. L'eau de la rivière Tapiskwan Sipi est aussi moins dégueulasse depuis qu'on y a cessé le flottage du bois, qui en faisait une rivière polluée au mercure dont l'eau goûtait mauvais. Ce qui ne nous empêchait pas de manger du brochet ou du doré mercuré cuit dans deux pouces de beurre. Miam-miam le bon poisson...

Enfin, je ne m'écarterai pas trop de mon sujet. Trois-Rivières était entourée de forêt bien plus qu'aujourd'hui. La forêt débutait au pont de fer quand j'étais tout petit, le pont de la voie ferrée située au nord du pont Dictateur-Duplessis dont la première version serait tombée dans la rivière en 1951, un complot ourdi par les communistes selon le Cheuf, alors que tout le monde sait bien à Trois-Rivières qu'on délayait le ciment pour pouvoir finir les sous-sols des organisateurs électoraux du Cheuf. Une poche de ciment pour le pont, une pour les fiers-à-bras. Pis de l'acier cheap pour refiler une cote de vendeur à quelques-uns... C'est que Trois-Rivières était aussi une ville pleine de marde il y a soixante ans. Même si c'était un peu plus vert...

Enfin, je digresse encore... C'est une manie de conteur. Je m'y conforme moins qu'on ne le pense. C'est inné.

Je parlais de la forêt il y a trente ans... Eh bien la forêt s'étendait au nord du pont de fer, derrière les Galeries du Cap et le Woolco, avant qu'il ne devienne le Wal-Mart.

Cette forêt c'était notre royaume. Mon père nous y emmenait moi, mes frères et nos camarades pour nous faire voir autre chose que des niaiseries.

On y allait hiver comme été. Tout le temps. Comme si tous nos temps libres y étaient consacrés.

On trippait de marcher dans le bois, de faire des feux sur le bord de la rivière, de pêcher et de manger tout ce qui pousse et verdit. Dont des lièvres que l'on prenait avec des collets.

Le père connaissait tous les points d'eau de source. Et ça nous servait ensuite pour rallonger nos journées loin  de la ville. On avait de l'eau, des mûres, des bleuets, des noix, des merises, du brochet mercuré... On pouvait espérer vivre autrement si tout ça devait finir par finir. On s'adaptait sans le savoir à la bienfaitrice absence de civilisation, renouant sans le savoir avec le mode de vie de nos ancêtres anishnabés.

Aujourd'hui, il n'y a plus de forêt derrière le Wal-Mart. Seulement un gros quartier résidentiel qui s'étire jusqu'au Tigre Géant. La forêt commence loin, peut-être à Saint-Louis-de-France ou bien Notre-Dame-du-Mont-Carmel.

Je suis toujours heureux de la retrouver, partout où je suis passé. Des sentiers du Yukon à ceux du Labrador, rien ne me prend autant aux tripes que les forêts de Wabanaki, mon pays. Tout y est chutes d'eau, roc, majesté.

C'est moins dévasté par le tourisme qu'au nord de Québec ou de Montréal. C'est encore fait massif, solide, sans trop de casse-croûtes et vendeurs de breloques.

C'est notre plus belle ressource, notre trésor, notre vrai pays.

Je reviens d'une fin de semaine à me promener dans les forêts de Wabanaki, comme dans le temps. Et je flotte encore. Comme un Indien. Comme un Sauvage du temps où cette terre s'appelait encore l'Île de la Tortue, l'Île Mikinak, comme pour la MRC de Mékinak... oui, oui... la MRC de Tortue... Comme quoi il reste encore un peu de traces de présence autochtone, qu'on le veuille ou non. Oui monsieur. Oui madame.

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