lundi 18 juillet 2011

Le beau langage est toujours vivant

Bob a un patois pas possible. C'est le beau langage de mon coin de pays, que les intellectuels dénigrent parce qu'ils voudraient humilier ses locuteurs, leur faire prendre conscience de la bassesse de leur condition en ridiculisant leur diction. Quant à moi, je préfère de loin ce patois puisqu'il me semble nettement plus rabelaisien et par cela même plus près de la source vive de la langue françoise, c'est-à-dire une langue mâtinée de latin rudimentaire et de joual allemand.

Entendez-le parler... Bob passe à la caisse, au supermarché, et je suis justement derrière lui avec mon enregistreuse numérique habilement dissimulée.

Voici la retranscription fidèle:

-Ah ben jéritol de viarge édentée! qu'il dit, Bob. J'su's pas la banque à Jos Violon moé-là pis du liminent Ménard j'en chie pas... Ça fait que, j'va's dire comme on dit, ça va faire là! C't'assez. Wo les moteurs. Vient un temps où c'qu'on s'écoeure de s'faire plemer comme des poulets su' une broche caltor de bonyeu de st-sicroche de bonyenne... Me semble que c'est clair qu'un gars s'peut p'us un m'ment donné. I' peut pas donner plus que c'qui pèse sainte-bénite-des-toasts-brûlées!

-Vous v'nez d'où? lui demande la caissière du supermarché, une grande maigre plus du tout jeune qui fait du strabisme divergent, comme Jean-Paul Sartre.

-Moé? lui répond Bob. J'viens d'Sainte-Clothilde-de-Horton pis mes ancêtres étaient pauvres comme d'la gale sacrament!

-Bon... Que voulez-vous... I' faut c'qu'i' faut... Voici votre facture.

-Hein?!? Vingt-huit piastres et trois cennes? Pour trois ou quatre p'tites z'affaires? J'ai mon verrat d'voyage! On s'fait étrangler comme une grenouille dans un champs de mines! Mozaille de sainte-pudique à marde!

Ah! Bob. Ta langue françoise nous fait rêver. Entretiens-la comme elle est dans ta bouche, sale, crottée et surtout vivante. Lâche pas la patate mon Bob!

6 commentaires:

  1. Si tu considères que "le beau français" des livres n'est, somme toute, que le patois de l'Ile-de-France, y a pas plus à se gêner d'en causer un autre qui soit d'ailleurs ! y a pas loin de mon berrichon à vos parlures.

    Gardez-les vivants, vos mots !

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  2. oh!que oui, continue à causer mon gars ,c'est du poulet!

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  3. Le langage officiel est celui imposé par la politique et l'économie, heureusement il y a tous les poètes, comme toi, pour garder les autres en vie. Bise.

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  4. J'ai adoré les films de Marcel Pagnol pour l'accent marseillais et pour ce petit monde qui vit des tragédies universelles.

    Idem pour le théâtre de Michel Tremblay.

    Je ne dénigrerai pas le français standard pour autant puisque j'en fais non seulement l'usage mais qu'en quelque sorte j'en vis...

    Cela dit, toute littérature part de la langue. L'uniformité tue l'esprit de la langue. La diversité lui insuffle une raison d'être et de se perpétuer encore. Protéger la langue françoise consiste à ouvrir le plus grand espace possible pour tous ses locuteurs.

    Une langue qui n'a plus d'écrivains est une langue morte. Je ne conçois pas de littérature écrite sans l'apport essentiel de la littérature orale.

    On résiste avec nos blogues, pas vrai?

    ;)

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  5. Makesmewonderhum il y a même de la culture dans nos patois.

    Un simonaque, ça pourrait bien être un simonien...

    http://fr.wiktionary.org/wiki/simonaque

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