mardi 19 juillet 2011

Une journée à l'Expo

Je ne me souviens plus de l'effet que pouvait produire sur moi l'Expo, avec ses manèges, ses jeux d'arcade, ses barbapapas, ses animaux de la ferme et ses peddlers. Il devait tout de même y avoir un assez puissant effet pour que je me risque à entrer sur le terrain sans payer.

C'était par un matin d'été de 1981. J'étais avec trois autres amis, appelons-les Ti-Mik, Ti-Bief et Ti-Kas. Quant à mon surnom, c'était Gros-Boutch.

J'avais treize ans, un âge où Gros-Boutch jouait parfois de malchance.

Il avait plu. Il faisait chaud. Nous étions cassés et nous n'avions rien à faire.

Pourquoi ne pas rentrer gratisse à l'Expo pour profiter des manèges et des jeux d'arcade, hein?

C'est fou ce qu'une partie de jeu vidéo peut durer longtemps avec une pièce de vingt-cinq cents retenue par un fil de pêche. On glisse lentement la pièce dans le trou jusqu'au déclencheur à crédits. On peut monter jusqu'à quatre-vingt-dix-neuf crédits. Des heures de plaisir presque gratuit puisqu'il faut tout de même y perdre une pièce, un bout de ruban gommé et un fil de pêche.

Quoi qu'il en soit, on se décide à rentrer sur le terrain sans payer. On s'y prend par le boulevard des forges où il semble y avoir moins d'agents de sécurité et de bergers allemands.

La mission consiste ici à sauter par-dessus une clôture constituée de pîques de fer plutôt pointues. Pour Ti-Bief, Ti-Kas et Ti-Mik, c'est du gâteau. Mais pour votre humble serviteur, Gros-Boutch, c'est pas de la tarte.

Comme il a plu, les piquets sont glissants. Je m'y prends et m'y reprends. Tombe et recommence. Puis j'entends japper les chiens. Mes trois amis gueulent après moi.

-Come on Gros-Boutch! On va se faire pogner par les chiens!

Gros-Boutch finit par sauter, après avoir glissé et reglissé plusieurs fois.

Et je cours. Le plus vite que je peux. Avec la peur des bergers allemands à mes trousses.

Puis on débouche sur le terrain de l'Expo, gratisse. On reprend notre souffle. On rit.

-Qu'est-cé qu't'as sur la bedaine Gros-Boutch? me demande Ti-Kas.

Ce que j'ai? Deux ronds de sang sur mon tee-shirt blanc. Je me suis rentré les pîques dans la bedaine dans mes nombreuses tentatives de sauter par-dessus la clôture du boulevard des Forges.

Ça fait mal quand je ris. Mais je ris quand même. Nous sommes entrés gratisse. Nous avons déjoué le système ainsi que les bergers allemands.

Et je fais le tour de mes manèges préférés avec mon tee-shirt et ses deux grosses taches de sang coagulé.

J'ai probablement rincé mon tee-shirt à l'eau. Ou peut-être pas.

Nous nous sommes tapés plusieurs fois quatre-vingt-dix-neuf crédits dans les jeux d'arcade. C'est magique ce qu'on peut faire avec une pièce de vingt-cinq cents et du fil de pêche, vous l'avez déjà compris.

On a poursuivi notre journée dans les étables, à flatter le museau des vaches et des cochons qui participent aussi à l'exposition agricole. Puis au cirque, à regarder un vieil éléphant faire le pitre pour un tarlais qui jappe après lui comme un berger allemand.

Nous nous étions bien amusés. Mais nous avions chaud. On passa sous la clôture de la piscine de l'Expo pour aller se baigner gratisse. Notre short fit office de maillot de bain. Ti-Bief déchira son pantalon pour que ça ressemble à des shorts.

Ah! C'était l'été 1981. Un été de plaisir et de gratuité.

2 commentaires:

  1. c'était le bon temps.....pis le monde, je sais pas pourquoi, il me semblait déjà bien noir alors qu'à côté d'aujourd'hui, c'était qu'un petit essai.....

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  2. Oui, ça se détériore en quelque sorte. Même à l'Expo de mon patelin. La magie n'y est plus. Il ne reste que le fantôme d'une foire révolue. Avec plus ou moins de barbapapas et autres saucisses industrielles trempées dans l'eau de javel.

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