C'était la première neige de l'automne. L'hiver avait jeté son manteau blanc immaculé sur les dépressions et les suicides de novembre. Cela redonnait du lustre aux paysages urbains, épouvantablement gris et monotones avant la neige.
Il avait neigé et même la misère avait l'air riche. Toutes les bâtisses, des plus dispendieuses aux plus chiottesques, offraient le même effet de vernis brillant, avec ces nuances de bleu tirant sur le blanc. C'était féérique et cela camouflait la mort.
Tenez, ce chat mort que je croise tous les matins sur mon chemin et que personne ne ramasse, même pas les charognards. Les goélands sont repus et les corbeaux ne supportent pas chats.
Ce matin, mon chat mort est bien abrillé. Ses neuf vies sont enterrées sous la neige. Je parie que je ne le verrai même pas quand je passerai près de lui lors de ma promenade matinale.
Tout sera beau, blanc, etc.
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Je voulais d'abord vous offrir pour récréation une nouvelle stupide qui me trotte par la tête. Et paf, je suis tombé sur cette histoire de chat mort enseveli sous la neige qui, par ailleurs, devrait se transformer en verglas au cours de la journée, ce qui devient moins poétique et nettement plus dangereux.
J'ai écrit au je, malheureusement pour vous. Je m'en allais vers un récit stupide à la troisième personne du singulier, pour m'oublier moi-même, et voilà que j'ai ressurgi comme le dernier des vaniteux.
Bon, c'est trop tard mais je me rattrape tout de suite avec L'histoire du voleur qui était en tabarnak.
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L'HISTOIRE DU VOLEUR QUI ÉTAIT EN TABARNAK
C'était la première neige de novembre et Scrotum Laramée, voleur bien connu du quartier, avait sorti sa barre à clous et sa poche de hockey pour aller faire des maisons.
Il commence par le 768, juste à côté de chez-lui. Il n'y a pas de bâtons dans les fenêtres et Scrotum n'a même pas besoin de sa crowbar pour les ouvrir. C'est comme si tout était débarré. Un buffet à volonté.
Scrotum sait que ses deux voisins sont absents. Il les a vus partir. Il ne reste plus qu'à remplir sa poche.
Scrotum, un petit maigre avec un bras un pied plus petit que l'autre, fait le tour du propriétaire. Une vieille télé. Un vieux radio. Rien dans le réfrigérateur. Le congélateur vide. Des biscuits soda dans l'armoire. Du vieux linge dans les tiroirs. Pas de bijoux. Pas de lecteur DVD ni de disques. Une vieille tour informatique pas revendable. Rien hostie. Rien. Sinon des livres. Des livres sacrament!
Scrotum est en tabarnak comme de raison.
-Gagne d'hosties de béhesses! qu'il hurle intérieurement. Y'a rien icitte tabarnak!
Et il n'y a rien, effectivement. Des livres et des guénilles.
Scrotum sort vingt piastres de ses poches et le met sur la table avec un petit mot griffonné à la hâte. Puis il décampe.
Ses voisins reviennent une heure plus tard avec des livres, dont une collection de vieux romans historiques. Ils sont d'abord surpris de voir que tout leur appartement a été reviré à l'envers. La fenêtre de la cuisine est ouverte et il y a vingt piastres sur la table ainsi qu'un petit mot griffonné à la hâte:
GANG DE TROUS DE CUS
JE VOU É LAISSÉ 20 PIASSE
VOUS AVÉ RIEN CALICE!
Mais qui pouvait bien être ce voleur imbécile qui ne volait rien et laissait vingt piastres sur le comptoir?
C'était Scrotum, comme de raison. Scortum qui a un bras plus petit que l'autre. Et qui vient d'une famille de voleurs sur plusieurs générations.
On dira ce qu'on voudra, les Laramée ont de l'honneur et ne volent jamais de trous du cul.
Ils les laissent vivre avec leurs guénilles et leurs romans historiques plates.
Arsène Lupin était nettement plus élégant qui rendait leurs bijoux aux jolies femmes.Il faut féliciter la famille Laramée pour son honnêteté,quand même ils auraient pu lui faire les deux bras égaux à leur rejeton!
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