Maufette aime ça quand c'est court. Mais c'est tout de même un hostie d'fucké. Pire encore... Vous ne savez pas tout!
-La vie est trop courte pour s'la raccourcir encore plus, baptême! qu'il dit tout le temps en tapant sur la rampe de sa galerie et en vargeant à coups de pieds dans les barreaux pour se rendre encore plus désagréable.
Puis il rentre dans sa maison en criant fuck you à quiconque a le malheur de le croiser.
-Fuck you mes hosties! Fuck you! qu'il dit.
C'est tout ce que l'on peut entendre de lui depuis au moins vingt ans. Aucun de ses voisins ne se souvient de l'avoir entendu dire autre chose. Un type déplaisant qu'on n'a pas envie de mieux connaître, c'est le portrait tout craché de Maufette.
Bon. Ce sont des choses qui arrivent. On n'y peut rien.
Cependant, on pourrait tout de même vous décrire Maufette un petit peu. Maufette, c'est un homme moyen qui ne porte pas de barbe. Il n'est pas rasé de près ni mal rasé. C'est juste que sa barbe pousse vite. Mais ça ne change rien à son métier. Maufette est cordonnier comme son père.
Évidemment, les cordonniers de notre époque en arrachent un peu.
Est-ce une raison d'avoir les pieds pris dans ses lacets de bottines? Pas du tout.
Et c'est pourquoi Maufette est un cordonnier bien chaussé même s'il ne fait pas fortune.
À tous ceux qui viennent à sa cordonnerie pour lui acheter des bottes ou bien pour lui refiler des godasses à réparer, Maufette n'a que ces mots: «La vie est trop courte pour s'la raccourcir, baptême!» Ça ne veut crissement rien dire. Mais Maufette, au fait, ne dit jamais rien. Ce n'est pas un parleux. Ni un homme de paroles, de chansons ou de ricanements. Il n'a qu'une seule expression dans le visage: la neutralité la plus froide.
On ne lui connaissait pas de conjointe jusqu'à la semaine dernière. Il rapportait son épicerie quand on vit sortir une femme du côté du passager. Il paraît qu'elle est Belge. Elle a de grandes dents. Et elle n'est pas plus placoteuse que Maufette avec ses yeux verts et ses boucles d'oreilles ordinaires.
-'jou'... qu'elle dit pour dire «bonjour».
Hostie de fuckée elle aussi. Aussi fuckée que Maufette. On leur parle tout de même, enfin quand on les voit, comme la semaine passée, mais on a découvert qu'ils étaient des extraterrestres, eux et le grand-père de Maufette. Oui des extraterrestres.
Ils se sont envolés dans un véhicule spatial rouge vif, avec tout plein d'autocollants dessus. C'était un beau modèle mais un peu rouillé. Ils ont fait semblant de ne pas nous voir et nous avons remarqué qu'ils avaient les mains palmées.
Ils se permettent de ne pas nous saluer et de nous jaser pas plus qu'il ne le faut. Ce sont des extraterrestres. Ils volent dans un vaisseau spatial rouge vif un peu rouillé... Oui... C'est ça... Et que voulez-vous faire contre les extraterrestres? Rien. Alors on endure la situation. On fait semblant qu'ils sont comme nous. On les salue. On essaie d'être gentils. Mais c'est fuck you par-dessus fuck you avec ces deux calices-là. Comme si tout le monde pouvait voler en soucoupe volante. Franchement! Laissez-moi vous dire que Maufette pis sa femme, extraterrestres ou pas, sont vraiment des hosties d'trous d'cul. Ils se prennent pour d'autres. Ils pensent nous impressionner avec leur char volant? Pff! Nous autres on s'en calisse. En autant qu'on soit biens. Qu'on ait notre p'tite bière pis toutte le kit. C'est rien qu'ça qu'on veut. Pis c'est pas un Maufette volant qui va venir nous dire comment c'qu'on doit vivre. Fuck you Maufette avec ta soucoupe volante! Allez chier toé pis ta blonde, gang de pas parlables!
des pas parlables ; c'est des grands taiseux ;y'en a par chez nous mais ils se déplacent en roulotte.et pis y sont ben polis!
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