On reprochait un jour au philosophe Diogène, dit l'hostie d'Chien, de pénétrer même dans la maison des riches.
Diogène répondait à ses détracteurs qu'un rayon de soleil entre dans les écuries sans se salir...
Il ne se tenait sans doute pas en piètre estime.
-Je vois ton orgueil au travers de ta tunique trouée! lui aurait répliqué Socrate.
Comme il l'avait dit du précurseur de Diogène, Antisthène, d'ailleurs fondateur de l'école des chiens, alias les Cyniques.
Antisthène et Diogène n'étaient pas réputés pour être très propres et très regardants sur la mode. Ils se réunissaient dans un lieu où se tenaient des courses de chiens. D'où leur surnom: les Chiens, alias les Cyniques.
Les Cyniques passeraient pour des anarchistes de nos jours. Et Socrate ne manquerait pas non plus de boire sa ciguë sous forme de boisson recommandée par le docteur Welby.
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Les Anciens situaient l'Âge d'Or dans le passé.
Antisthène et Diogène croyaient vivre à l'Âge du Fer. L'Âge de la bêtise la plus absolue qui soit. Contrairement à l'Âge d'Or qui correspond un peu à l'état de l'Île de la Tortue avant l'arrivée des colonisateurs européens, un temps de partage et de communion avec la Nature...
Plutôt que de prêter foi à l'Âge de Fer, les Cyniques parcouraient les rues de la Grèce antique en portant leur vieille burate et leur dédain de toute autorité.
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Un jour, un type veut devenir disciple de Diogène. Il a entendu dire qu'il en savait des choses, ce Diogène. Diogène dit au pauvre gars de ramasser un vieux poisson pourri, de se le coller dans le dos et de le suivre sous cet accoutrement ridicule partout où il va dans les rues athéniennes.
Au soleil couchant, n'en pouvant plus, le disciple balance le poisson pourri au bout de ses bras et fout le camp.
Diogène lui demande pourquoi. L'idiot lui répond qu'il l'a suivi toute la journée avec un poisson pourri dans le dos sans que Diogène ne lui apprenne quoi que ce soit ou ne lui adresse ne serait-ce qu'un peu la parole.
-Tu penses que je ne t'ai rien appris, hein? que Diogène lui envoie. Tout à l'heure tu étais prêt à me suivre partout comme un con avec ton poisson pourri dans le dos... Maintenant que tu viens de cesser de faire l'andouille, ne vois-tu pas que je t'ai appris à devenir ton propre maître?
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J'ai à peu près tout lu de ce qui s'est écrit en français à propos de Diogène. Je ne prétends pas au titre de spécialiste, mais je fais certainement partie des amateurs.
Je ne suis pas cynique, philosophiquement parlant.
Cela ne m'empêche pas de respecter ce vieux sage.
Si tout le monde vivait comme moi, ce serait ennuyant.
Il me permet de vivre une autre vie, par procuration. Celle que j'ai peut-être vécu dans ma jeunesse. Celle qui m'attend peut-être. Diogène demeure toujours une option.
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Plutarque raconte qu'Alexandre le Grand vint à la rencontre de Diogène après avoir apporté le sang et la civilisation sur son passage, par-ci par-là.
-Que puis-je faire pour toi, vieux que l'on dit sage? lui demanda le Grand.
-Ôte-toi de mon soleil. Tu me fais de l'ombre, répliqua Diogène.
Diogène lui raconta aussi qu'il était plus grand que le Grand. Parce que, sur un champ de bataille, personne ne songerait vraiment à tuer un vieux vagabond portant la burate alors que lui, le Grand, il serait la première cible, incapable de se déplacer sans sa garde rapprochée.
Diogène était baveux. Tellement baveux qu'un jour, après avoir été fait esclave, il en surprit plus d'un.
-Que sait-tu faire? lui demanda l'encanteur du marché des esclaves devant tous les clients rassemblés.
-Diriger, répondit-il.
Puis, pointant l'homme qui lui semblait le plus riche de l'assemblée:
-Vendez-moi à lui. Il a besoin d'un maître!
L'homme qui devint son maître devait sans doute entendre à rire. Il l'acheta. Puis Diogène, qui savait aussi lire et écrire, devint le précepteur de ses deux fils. Malheureusement, Diogène réussit à s'enfuir avec ses deux fils qui, eux aussi, devinrent des Cyniques, préférant l'anarchie à une vie de gosses de riche esclavagiste.
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Diogène a écrit des livres. Peut-être une vingtaine. Ils sont tous passés au feu dans l'incendie de la bibliothèque d'Alexandrie, d'ailleurs fondée par Alexandre le Grand. Il ne reste de Diogène que des fragments, des anecdotes, un tempérament plus qu'une pensée.
Pourtant, cette pensée continue d'influencer notre monde.
Elle est au coeur de la révolution hippie et on en trouve des relents chez les anarchistes contemporains.
C'est comme ça.
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Un jour, quand je serai vraiment vieux, j'écrirai un pseudo-traité de Diogène. Le traité retrouvé de Diogène, tiens, avec un genre de vieux prof de philosophie qui se battrait contre le Vatican et le Poulet Frit Kentucky.
Je vous reviendrai là-dessus plus tard.
Bien entendu.
Pour le moment, eh bien je ne suis pas cynique.
Je suis seulement moi.
Je ne porte pas de poisson pourri dans le dos.
Je n'appartiens à rien ni personne.
Et c'est très bien ainsi.