jeudi 7 avril 2011

Éloge de l'homme inutile

La meilleure chose à faire quand on ne sait pas quoi faire, c'est de ne rien faire. Et si vous le faites tout de même, après avoir pris connaissance de ce mauvais conseil, eh bien tant pis pour vous.

Louis-Fernand Rigolet ne faisait rien, quant à lui, et vantait les vertus de «l'homme inutile», un concept grappillé chez feu Alexis Klimov, un philosophe et érudit trifluvien qui légua sa vision de l'inutilité de Senancour jusqu'à nos jours via le spleen des grands auteurs russes du XIXe siècle.

Tout ce qui est utile n'est pas nécessairement mauvais, mais tout ce qui est beau est inutile. D'où l'idée très dostoïevskienne d'affirmer que la beauté sauvera le monde. L'inutilité aura raison de l'outil, de l'objectivation, de l'homme-machine, de tout ce qui est froid, rationnel et calculateur.

Rigolet, un freluquet de cent dix livres cinq pieds deux pouces, ne faisait rien, absolument rien, sinon lire et relire «L'éloge de l'homme inutile» de Klimov pour se consoler de ne rien faire.

Et vous savez quoi? Il n'avait pas tort, Rigolet. D'abord, personne ne voulait l'engager. Pas moyen de trouver du boulot pour Rigolet: trop petit, trop de lunettes, trop de grosses dents. Alors, il lui restait les livres et ça lui semblait bien suffisant.

-Pourquoi me ferais-je utile, hein? qu'il disait, Rigolet, en rigolant comme une cloche fissurée.

-Treize jours avant l'chèque... répondait stoïquement Raymond, son voisin de chambre et unique compagnon d'infortune.

Ah! misère de misère!

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