mercredi 22 décembre 2010

Un autre conte de Noël pas racontable

Ça se passait le 25 décembre, évidemment. En quelle année? Alors ça, je ne le sais plus. Je me souviens seulement qu'une neige fine était tombée pendant le réveillon. Cela conférait à ce matin de Noël un air de féérie. Ce décor urbain généralement fade et sans goût était magnifié par des tons de blanc et de bleu très très pâle.

Le soleil perçait au-dessus de la brume qui s'élevait de la voie maritime du fleuve Magtogoek (anciennement Saint-Laurent). La neige soulevée par la bise scintillait comme des tas de petits miroirs réfléchissant des tons de jaune pâle et d'orangé, que je crois propre à ma vision de daltonien. J'obtiens une note de 0 sur 16 pour le vert. Il me reste surtout les couleurs primaires: le bleu, le jaune et le rouge. Quand je décris les couleurs, je sais que ce sont pas celles que tout le monde voit. Par contre, je ne vous raconterai jamais un gazon vert. Ce qui fait que les contes de Noël sont à la pleine mesure de mon intelligence des couleurs.

Doncques, je déambulais sur les trottoirs qui n'étaient heureusement pas encore déneigés, ce qui permettait de me rendre compte que les piétons et les daltoniens se font rares le jour de Noël.

D'une digression à l'autre mon cerveau se concentrait sur le vide, encore que je sifflais probablement une chanson de Noël parce que je suis un gros con influençable.

Tout allait bien, c'était merveilleux et tout le saint-frusquin.

Mais voilà qu'un barbu avec une calotte de trucker m'aborde. C'est un bonhomme dans la cinquantaine qui ressemble à Capitaine Haddock comme je ressemble à Shrek avec des cheveux. Une légère dissemblance. Mettons que je suis plus beau que ça. Enfin, Capitaine Haddock me tombe dessus comme si l'on se connaissait depuis Adam et Ève.

-Tabarnak! qu'il me dit sans plus de préambule. Y'est sept heures et demie du matin pis v'là qu'mon propriétaire bûche dans 'es escaliers en face d'la f'nêtre de ma chambre pour m'réveiller saint-cibouère-de-calice! Check-lé bûcher dans 'es escaliers c'te vieux christ-là! Juste icitte, hostie, le jour de Noël saint-chrême!

Capitaine Haddock me pointe du doigt son proprio qui déglace rageusement ses escaliers avec une petite pelle de fer. Bing, bang, bang, le proprio bûche en saint-chrême, effectivement, pour un 25 de décembre.

-Sûr qu'i' l'fait exprès le vieux sacrament! Juste pour me faire chier! Après ça, i' vont dire que j'mets 'a musique trop fort chez-nous e'l'soir quand je r'viens d'ma tournée des bars... Ben qu'i' mangent d'la marde! Moé j'paye mon loyer pis j'veux du service pis du respect saint-christ-de-tabarnak! Do you feel like we dooooo? qu'il chante pour conclure.

Qu'est-ce que je lui ai répondu? Franchement, que répondriez-vous à un hostie de trèfle comme lui?

-Bon, ben, Joyeux Noël tout d'même, m'sieur! que j'ai dû lui dire.

-Ouin, ben, toé 'ssi. Moé, c'est Henri. Henri Grenon. J'suis un fan de Peter Frampton.

-Moé c'est Guétan. Guétan Bouchard...

-Ah oui? Le patineur de vitesse? Ha! Ha!

-Non, lui c'était Guétan Boucher.

-Ah. En tous 'es cas, bonne journée mon Guétan!

-Toé 'ssi Henri.

Henri a poursuivi son chemin et moi le mien.

Le proprio qui bûchait dans les marches de l'escalier me regarda de travers quand je suis passé devant lui. Il m'a  fait une hostie d'face de pitbull et n'a pas répondu à mes salutations ni à mon joyeux Noël.

Je ne lui en ai pas voulu. À sa place j'aurai fait comme lui avec ce voisin désagréable qui se permettait de réveiller tout le monde au milieu de la nuit avec sa musique de brosseux. J'aurais déglacé l'escalier avec un pic à glace pour le sortir de sa torpeur, le tabarnak, quand y'a du monde qui travaille le matin, même le matin de Noël, et qui veulent dormir saint-étol-d'hostie!

Je sais, je sais. Il y a beaucoup trop de sacres dans tout ce que j'écris. Est-ce de ma faute si j'écris ce que j'entends? Je ne suis pas greffier, sacrament, mais écrivain. Et pas nécessairement le plus brillant de ma guilde.

Allez en paix, mes frères et soeurs. Et respectez vos voisins tabarnak. Peter Frampton tous les soirs, à trois heures du matin, ça n'a pas de calice de bon sens.

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