dimanche 19 septembre 2010

Plus un homme vieillit, plus il devient sensible...

Je ne crois pas être hypersensible. D'abord, je ne pleure presque jamais. Pas parce que je suis un dur à cuire, mais parce que j'ai trop lu de philosophes pour prendre la vie au sérieux. Parce que je fais partie de la génération T-Fal, la génération X, celle qui n'adhère à rien. Parce que blablabla.

On dit que vieillir c'est revenir en enfance. Je ne saurais nommer cet «on» qui se permet de dire tout et n'importe quoi. Mais je ne le trouve pas toujours bête et m'offre le droit de le citer à tout propos.

Parfois, «on» vise juste.

L'autre jour, j'ai saisi la conversation d'un groupe de dames, par pur «auditisme», le pendant du voyeurisme pour les oreilles, à moins qu'il n'existe un autre mot pour cela.

-Moé, disait l'une d'entre elles, j'ai l'impression que les hommes deviennent plus sensibles en vieillissant... L'autre fois, mon chum pleurait après avoir vu un film... Jamais y'aurait osé pleurer quand y'avait vingt ans pis à c't'heure où y'a soixante ans, i' braille pour rien des fois. Quand c'est pas après un film, c'est dehors dans 'a cour, quand i' r'garde un arbre ou un oiseau... Y'est en train de devenir un maudit braillard! Ha! Ha!

Ça m'a sonné un peu. Je ne sais pas trop pourquoi. Je ne suis pas hypersensible. Je ne pleure presque jamais. Peut-être aussi parce que nous étions quatre garçons dans ma famille et qu'entre gars pleurer ça passait pas mal de travers: c'était la honte absolue, pleurer. Presqu'un tabou.

On se soignait l'envie de pleurer en se ridiculisant ou bien en s'humiliant les uns les autres. C'était comme ça dans tout le quartier Notre-Dame-des-Sept-Allégresses et même au-delà, dans la Petite Pologne et dans Ste-Cécile, tous trois quartiers du «faubour à m'lasse»* trifluvien.

«Ne pas rire, ne pas pleurer, mais comprendre» écrivait le philosophe Baruch Spinoza. Ouais. Et j'en ai longtemps fait ma maxime, jusqu'à tout récemment.

Je vieillis moi aussi.

Et souvent, je savoure avec une mélancolie toute jubilatoire le fait de n'y rien comprendre. Et je ris. Et parfois même je pleure. Oh! pas beaucoup. À peine une larmette. Une humidité des yeux que je ravale comme une grippe que l'on n'oserait pas évacuer du nez en public. «Ahemrphe!» que ça fait, cette forme d'impectoration. L'impectoration étant l'exact contraire de l'expectoration, à moins que je ne doive vraiment consulter un dictionnaire ou bien un spécialiste de la santé mentale.

Donc, il m'arrive de pleurer et, oui, je vieillis.

La dernière fois, cela remonte à deux mois.

J'ai touché un arbre et mes yeux sont devenus humides. Bouhouhou snif-snif.

Deux secondes plus tard, j'avais les yeux secs comme je les ai toujours eus.

C'était la deuxième fois que je pleurais cette année. La première c'était en tranchant des oignons.

Franchement, ces conversations de bonnes femmes m'en apprennent plus que je ne le croyais sur moi-même.

Plus un homme vieillit, plus il devient sensible.

Je suis parti pour brailler de plus en plus souvent, sacrament.

Ça doit être pour ça que je m'émeus pour un rien: un arbre, un air de violon, n'importe quoi.



*Faubourg à m'lasse: faubourg à la mélasse, sucre que l'on trouvait en abondance chez les pauvres à une certaine époque. Pepsi et Coke ont remplacé la mélasse de nos jours.

1 commentaire:

  1. Ouep! J'ai jouée de la guit a mon grand-père l'autre jour et il s'est mis a pleurer. Du Zachary en plus :P

    Paganini, ca torche! Sarasate itou... J'aime bien cette toune la.

    http://www.youtube.com/watch?v=xir-5oAWxXE

    Migwetch!

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