mercredi 17 juin 2015

La sagesse ne consiste pas à se fermer la gueule

La sagesse qui consiste à se fermer la gueule en toutes circonstances me semble plus près de la peur que de la beauté d'un esprit libre.

Tous ceux et celles qui recommandent de se la fermer sont sans doute avisés et prudents. Mais sages? J'en doute fortement.

Un sage ne craint ni la musique ni la fanfare ni le chef d'orchestre. Le sage, pour moi et quelques misérables individus, c'est celui qui parle quand tout le monde préfère se taire.

Le sage n'a rien à voir avec les peureux. Il est toujours prêt pour le combat intellectuel. Il boira la ciguë qu'on lui tendra plutôt que de fuir son esprit. Et on se souviendra de lui des siècles après sa mort pour ne pas avoir été un lâche quand tout un chacun autour de lui vantait les vertus du silence et de la résignation.

***

Si vous êtes un tant soit peu cynique vous devez vous dire que je me crois sage. On ne reconnaît que les vertus qui sont nôtres en matière d'humanité. Je ne crois pas faire partie du troupeau des peureux, c'est vrai, mais je ne mérite pas vraiment l'appellation de sage. Je suis trop fou pour ça. Je pique des colères qui n'ont rien à voir avec la sagesse. Je ne parle pas aux gens: je prophétise. Bref, je fais partie de la cohorte des chiens galeux qui jappent et qui mordent, sans plus.

Par contre, je n'ai pas tout à fait terminé ma formation philosophique. Il y a de l'espoir de faire de moi un type un peu moins pugnace. Je finirai bien par être fatigué, moi aussi...

Cela dit, je ne tiens pas à vous parler plus longtemps de moi. Je sais que cela ne vous intéresse pas. Je le sais d'autant plus que je pense la même chose. À l'ère des égoportraits électroniques rien n'est plus détestable que ces surabondances de petits moi rachitiques et misérables. On en a rien à cirer des selfies narcissiques et soporifiques.

Je veux surtout vous parler de quelqu'un dont je ne vous nommerai pas le nom. Je le ferai certainement un jour ou l'autre. Mais là, je dois lui laisser la chance de se trouver du travail.

Ce gars-là a fait fermer une centrale nucléaire dans ma région. Une centrale nucléaire vieillotte, bâtie sur une faille de la croûte terrestre, qui menaçait la santé publique et représentait un mauvais investissement public d'un milliard de dollars. Ce gars-là a passé des années à organiser des manifestations, des pétitions et autres coups d'éclats pour faire fermer la centrale.

Ses actions ont fini par avoir des répercussions politiques. On a fini par fermer la centrale nucléaire.

La suite de son histoire est moins glorieuse. Ce gars-là, un travailleur communautaire, s'est soudain retrouvé dans la situation de tête brûlée. Plus personne ne voulait l'engager parce que l'on craignait que cela nuirait aux demandes de subventions.

-Tu as été pas mal exposé dans l'actualité, tu comprends... Ça pourrait nuire à notre financement... Avec l'austérité et tout, il faut être prudent dans nos faits et gestes, lui a déclaré une personne qu'il a rencontrée en entrevue.

Ce responsable communautaire emploie sa soeur, son frère et presque sa mère avec l'argent public. Son organisme communautaire est une vraie affaire de famille. Bref, on n'a pas besoin d'une tête brûlée... D'autant plus que ces bébittes du communautaire se présentent aux élections en imitant ceux qu'ils prétendent combattre. Ils se font photographier au Grand Prix automobile. Ils serrent des mains à l'église. Ils tiennent des manifs qui ne réunissent que des salariés du communautaire. Des manifs qui débutent à 10h15 du matin et se terminent à 10h30, juste à temps pour le café et les petits biscuits.

Évidemment, j'ai salué chaleureusement ce gars-là que je tiens pour un modèle de probité, d'héroïsme et... de sagesse.

Il s'en trouvera des tas pour le traiter de trou du cul. Des tas qui n'arrivent pas à la hauteur de sa cheville. Des tas de cloportes qui se prétendent libres, indépendants et méritoires alors que les médailles qu'ils portent ne sont que de la pacotille offerte par le magicien d'Oz pour leur conférer l'illusion du savoir, du courage et des beaux sentiments.

On n'a pas remis de médaille à ce gars qui a fait fermer la centrale nucléaire.

On ne lui pas offert de travail dans le communautaire.

On s'est débarrassé de lui comme d'un emmerdeur public, un "enverdeur" comme diraient les salauds de droite et leurs lécheurs d'entre-fesses.

Nous savons, entre nous, que ce gars-là est un héros.

Nous respirons un air meilleur, sans radiations et isotopes, parce qu'il était là, tout fin seul, pour nous représenter tous.

Si vous vous croyez plus sage que lui, plus prudent et plus avisé, eh bien vous pouvez bien allez vous faire foutre -que vous soyez le maire, le député ou le directeur général d'un organisme communautaire bidon qui sert de club-école pour accéder à un poste dans la vieille politique sale...




9 commentaires:

  1. Faisons ce que nous pouvons , grandes ou petites choses , quand nous le pouvons , où que nous soyons , si celà est possible , et tout s ' arrangera -
    Tout s ' arrangera m^me si des millions , des milliards , de gens sont contre nous -
    -
    Nous gagnerons , c ' est certain , car nous sommes du côté de la vie et qu ' eux , elles , ne le sont pas .
    Nous sommes du côté de la vie , de la générosité , du partage , du respect , de l ' amitié et de l ' amour , de l ' insouciance , des rires , des désirs , de la paix -
    Eux , elles , ne le sont pas . Ils-elles ont perdu d ' avance .

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  2. @Monde indien: Vaclav Havel était condamné à rouler des barils de bière quand il n'était pas en prison pour avoir manifesté avec trois pelés et un tondu. On aurait pu croire qu'il était fou de manifester dans un pays où personne ne le faisait. Pourtant, il avait dit que la Tchécoslovaquie était tellement corrompue que le seul homme juste qui pourrait la gouverner se trouverait en prison. Survient la révolution de 1989. Vaclav Havel est en prison. Le peuple se soulève alors que personne ne s'y attendait. Le peuple le nomme président de la Tchécoslovaquie... Morale de l'histoire? Quatre ou cinq personnes décidées peuvent changer le monde. Le monde finira par suivre les Justes, même s'ils semblent perdre à tout coup quand on se réjouit d'une vision politique à courte vue. Le partage est consubstantiel à la communauté humaine. L'obscurité du moment ne doit pas nous faire oublier la lumière qui reviendra toujours, quoi qu'en pensent les médiocres.

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  3. @Gaetan
    Je ne les appelle pas les médiocres , mais les méchants - comme quand j ' étais petit il y avait dans les films Far-West , les " bons " et les " méchants ".
    Je persiste à croire que les méchant-e-s le seront toujours , contrairement à ce qu ' osait affirmer mon compatriote J.Jacques Rousseau ( " homme est bon , par nature " ) -
    Que le partage soit consubstantiel à notre communauté humaine , j ' en suis certain - comme je l ' ai toujours affirmé . Mais je crois qu ' il ne s ' agir que de la nôtre .
    Je crois que les méchant-e-s ont , et auront toujours une autre vision de l ' humpanité où le partage n ' est pas - et ne sera jamais - de mise .
    Tes ancêtres indiens qui ne concédaient pas aux blancs ( encore qu ' il auraient pu y mettre des exeptions ) le vocable d " humains " - me confortent dans cette idée -
    Mais peu importe , nous serons toujours les + forts , et nous gagnerons nos terres !

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  4. Après ces généreux engagements ( ce que je reconnais et loue ) , Vaclav Havel n ' a pas pour autant réussi à transformer la Tchécoslovaquie en une vraie démocratie ! ...
    ( mais toute mon admiration va néanmoins à lui )

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  5. @monde indien: Comme dans la chanson de Fugain, les gentils et les méchants...? Dans ce cas-là les méchants sont gentils et les gentils sont méchants... Hum... Pas facile de s'y retrouver dans ce monde si chaotique!

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  6. J ' aime bien Fugain , mais pas toujours d ' accord avec lui - Pour moi , les méchant-e-s sont méchants , et le seront toujours - Les gentil-le-s sont gentil-le-s et le seront toujours -
    Suis-je naïf ?
    On traite de naïf-ve-s les utopistes : je n ' accepte pas ce vocable d " utopistes " - Il n ' y a que des désirs authentiques -

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  7. @monde indiwn: Toi qui aimes le Brésil tu n'aimes pas Fuguain? Il a copié tous les hits du Brésil pour les adapter en français... Vice abuso est devenu Fais comme l'oiseau... Etc.

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  8. J ' aime beaucoup Fugain -
    Cette chanson , você abuso , il en a très bien joué la musique , et les paroles qu ' il y a mises sont + belles que celles de la chanson brésilienne , et sans rapport avec elles -
    Ce n ' est pas le cas de tous les chanteurs-ses français -
    Claude Nougaro à transcrit " O que serà " , de Chico Buarque - et qui est une des + belles chansons qui existe au monde , en une espèce de lamento complètement pitoyable -
    Mais j ' aime quand-m^me Nougaro -
    Moustaki que j ' adore , a aussi raté une retranscription de la chanson de Gal Costa : No Balancé Balancé -
    Mais il a fait d ' autres très belles chansons sur le Brésil qu ' il aimait beaucoup -

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