jeudi 5 septembre 2013

Rentrée scolaire pour Pierre De Ravages.

Tout écrivain qui se respecte doit commencer par un sujet imposé, sans quoi la littérature n'est jamais mise en pratique.

C'est du moins ce que prétendait Pierre De Ravages, un curé défroqué qui n'en était pas moins demeuré célibataire et professeur de littérature spécialisé en sociocritique.

Vous vous demandez sûrement ce qu'est la sociocritique, hein? Eh bien c'est l'une de ces niaiseries qui poussent à l'université afin de jeter un discrédit énorme sur l'enseignement des arts et autres fausses sciences. La sociocritique consiste en l'analyse sociologique d'un roman ou d'un poème pour vous chier une exégèse tout à fait stupide fondée sur trois fois rien. Cela finirait par vous dégoûter de lire des romans et des poèmes bien que les cours de sociocritique soient l'endroit idéal pour en lire discrètement dans le fond de la salle de cours tandis que le pauvre abruti baratine ses étudiants avec de la fatuité et du vent.

Pierre De Ravages avait cette particularité d'être plutôt laid de sa personne bien que cela n'ait rien à voir avec ce récit. Il avait les cheveux huileux qu'on aurait dit goudronnés de noir. Sa peau était vilaine. Ses dents étaient pourries. Et il zézayait comme quelqu'un qui se prenait pour Dieu et qui ne demeurera toujours qu'un sujet de rigolade entre méchants garnements qui boivent comme des trous tout en poursuivant leurs études en rien du tout.

De Ravages ne réussissait jamais à prendre le contrôle de sa classe. De la première à la dernière minute de chacun de ses cours, c'était comme s'il affrontait les démons de l'enfer avec sa sociocritique nulle à chier et ses petites gaguettes en l'air.

-Ze vais vous parler auzourd'hui de Zola... De Zerminal de Zola... Et nous zallons l'analyser d'un point de zue sociocritique... Hum... Voilà... Des queszions?

Il n'y avait jamais de questions. Et on se passait sous les pupitres le marquis de Sade, Claude Gauvreau, Mistral ou Charles Bukowski. N'importe quoi pourvu que ça fesse. De la littérature, quoi. Il n'y a pas de mal à ça.

De Ravages a sauté les plombs hier. C'était la rentrée scolaire et le groupe qu'il avait à sa charge était particulièrement belliqueux à son égard. Cela ne faisait pas cinq minutes qu'il zézayait devant sa classe que trois gars plutôt crasseux lui lancèrent des boules de papier sans même cacher leur geste. Ils étaient assis à deux pieds de lui et ils lui lançaient des boules de papier dans la face en riant comme des diables.

-Hin! Hin! Hin! J'te pitche une boule de papier dans face dude... qu'ils lui disaient. J'te pitche encore hin autre boule dans face! Pis encore hin autre dude! Hin! Hin! Hin!

De Ravages s'est mis à sangloter devant tout le monde, ce qui n'empêcha même pas ces mauvais garçons de le lapider encore avec des boules de papier.

-Un jour, oui un jour, nous l'aurons notre pays! déclara De Ravages d'un air soudainement stoïque.

Curieusement, il n'avait pas zézayé en disant cela mais pas moyen de savoir ce que cela voulait vraiment dire.

De Ravages a ensuite pris ses cliques et ses claques pour ne plus jamais revenir.

L'heure de la retraite avait sonnée.

C'est comme ça qu'on dit ça me semble-t-il.

L'université a confié les cours de sociocritique à Brenda Livernoche, une belle blonde qui se fout tellement de la sociocritique qu'elle ne nous fera lire que des romans à l'eau de rose pour y trouver des archétypes tout aussi niaiseux que ceux de De Ravages.

Les lanceurs de boulettes de papier devraient se calmer puisqu'ils risqueraient de passer pour des malotrus auprès de cette gente dame.

Comme quoi les gens respectent encore un peu la beauté et toutes ces affaires-là.

3 commentaires:

  1. Hello,

    Je savais bien qu'on avait plusieurs atomes crochus quelque part. "La conjuration des imbéciles" est un de mes livres préférés depuis bientôt 20 ans...

    Un vendeur de hot-dog déguisé en pirate qui devient son meilleur client, il en fallait pas plus pour me séduire..
    Bonne journée M. Bouchard

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  2. Hello,

    Je savais bien qu'on avait plusieurs atomes crochus quelque part. "La conjuration des imbéciles" est un de mes livres préférés depuis bientôt 20 ans...

    Un vendeur de hot-dog déguisé en pirate qui devient son meilleur client, il en fallait pas plus pour me séduire..
    Bonne journée M. Bouchard

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  3. Bonjour Martin,

    Long time no see... Nous avons des atomes crochus mais pas trop croches pour autant.

    Merci pour ton commentaire et pour ton affection envers ce roman sublime.

    C'est pour quand le conventum des vrais de vrais de la philo ukuterrienne?

    Gaétan

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