La meilleure chose à faire quand on ne sait pas quoi faire consiste à ne rien faire.
C'était la maxime de Bill Blouin, un concierge de taille mi-moyenne au regard plutôt doux. Et croyez-moi, ce gars-là n'avait eu besoin que d'incarner cela dans sa vie de tous les jours pour réussir à ne pas sombrer dans les abysses de la gloire.
-La célébrité, c'est pour se faire tirer après les manches par toutes sortes de gens qui ne t'aiment pas plus qu'une potiche...
Bill Blouin ne se disait cela qu'en lui-même puisqu'il n'avait pas vraiment d'amis ni de goût particulier pour la confidence. On savait qu'il pensait ainsi puisqu'il lui arrivait de parler dans les files d'attente, comme tout le monde.
Il ne faisait jamais rien qui sortait de la routine pour s'éviter l'incertitude de la nouveauté.
Bill Blouin laissait faire quand il ne savait pas quoi faire.
Il faisait ce qu'il fallait et sans plus.
Un jour, par exemple, la grosse Bertha Grimard arrive devant Bill Blouin pour lui déboucher une canne à propos de l'odeur de canard à la patte cassée qui règne dans son bureau.
-Ç'a pas été lavé mon bureau tabarnak! lui dit cette grosse mal élevée. Ça pue hostie!
-Bertha, de lui répondre Bill Blouin, ej'viens juste d'el laver le mosusse de plancher...
-Tu m'f'ras pas accrère ça! Ça sent 'a marde!
Bill Blouin retourne dans le bureau de Bertha et, franchement, ça sent la marde même si le plancher est frais lavé et que les poubelles sont vides.
Évidemment, Bill Blouin ne sait pas quoi faire et sa routine est menacée. Il est déjà 14h08 et généralement il serait déjà dans la salle des employés pour nettoyer la table et tout le reste avant la pause de 15h00.
La grosse Bertha n'aide pas sa cause.
-Ça pue! Ç'a pas d'bon sang! J'passerai pas toute la journée dans c't'odeur de marde! J'va's suffoquer! J'ai d'la job à faire aujourd'hui moé! C'est ta responsabilité Bill Blouin de trouver c'est quoi... Pour voir si ç'a du bon sang d'travailler dans une puanteur de même!
-Grosse calice! se dit en lui-même Bill Blouin.
Puis il cherche la cause de l'horrible puanteur, bien entendu, et trouve que ça sent drôle près du mur du fond, à deux pas du bureau de la grosse Bertha.
Bill Blouin s'empare donc de son marteau et pif, craque, boum il perce un trou dans le panneau de gypse.
Il plonge illico sa main dans le trou qu'il vient de faire et, hop! il en extirpe une souris morte qui sent pas bon.
-C'est ça qui puait Bertha, une souris morte...
-Aaaaarrr! se met à gueuler Bertha en montant sur sa chaise, comme dans les films.
-Est morte Bertha... Voyons don'... A' te f'ra p'us rien!
-Enlève-moé ça d'icitte calice! Enlève-moé çaaaa!!!
Bill Blouin jeta la souris morte dans un sac.
Quelques minutes plus tard, il revenait avec un aspirateur, un panneau de gypse et du plâtre.
-Tiens! Tout est réparé pis ça sent p'us la marde!
Grosse Bertha n'était plus là. Elle avait pris congé suite à ce traumatisme.
Comme quoi il y en a qui ne sont pas capables de prendre de la pression.
Et d'autres qui font quelque chose, même quand ils ne savent pas vraiment quoi faire.
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