J'ai pu écrire des milliers de pages sur ce blog parce que je suis une éponge psychique, un peu comme le gros gaillard qui attend dans le couloir de la mort dans La mince ligne verte de Stephen King. Comme lui, je ressens les gens, les arbres, le vent... Sauf que je ressemble plus à Shrek qu'à ce travailleur des champs de coton.
J'ai délaissé ce blog au cours des derniers mois pour me consacrer essentiellement au travail, c'est-à-dire à la facette «aidante» de mon identité. Je porte plusieurs chapeaux dans ma vie. Je suis sans doute un gus avec quelques dons pour les arts et les lettres. C'est mon côté magique. Lequel se lie à mon côté pratique: bosser pour améliorer le sort des gens dans ma communauté. Je ne suis pas un saint mais le fils d'un quartier pauvre. J'ai trop vu de misère pour ne pas avoir l'envie de la combattre jusqu'à la mort, au mépris de ma propre vie s'il le faut. Je n'ai jamais voulu faire autre chose qu'aider les autres dans la vie. C'est ma seule ambition, associée à celle de ne plus jamais rien faire -ce qui viendra bien assez vite.
Cela dit nous sommes encore en pandémie. Je suis aide-soignant, c'est-à-dire préposé aux bénéficiaires. Il manque de coeur et de bras. J'ai dit que j'étais présent pour ce combat. Même s'il m'arrive d'avoir l'envie de déserter, parce que ça devient du sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, avec peu de temps et de goût pour tenir une plume ou un pinceau, eh bien je persiste. Je poursuis mon odyssée dans la santé.
Je dois me battre pour rester en forme. C'est une job physique qui demande de se pencher souvent, de courir sur trois étages -surtout quand l'ascenseur est bondé ou bloqué. C'est une job psychique qui demande un caractère fort pour ne pas être absorbé par l'anxiété et la maladie environnantes. Et comme toute job, tu n'as pas toujours le temps de te décrotter le nez. Il faut que ça bouge. On n'a pas que ça à faire. Vous voyez le genre.
Je ne puis m'empêcher de repenser à La condition ouvrière de Simone Weil. La philosophe et mystique s'était faite engager à l'usine Renault pour fabriquer des automobiles. Elle voulait comprendre le monde ouvrier dans sa chair et son sang plutôt que de palabrer sur le prolétariat parmi quelques doctes universitaires.
Ce ne fût pas mon parcours, bien entendu, mais La condition ouvrière me revient en mémoire comme un leitmotive. Un jour je reviendrai sur ce que j'ai vécu et compris au cours des deux dernières années de pandémie.
Pour le moment, je me prépare pour rentrer au boulot vers 7h00.
Il est 4h39. J'ai un café devant moi. Je ne dors pas depuis 2h30. Je me suis couché vers 19h30. Cela ne devrait étonner personne.
Ma blonde dort. Que de travail et de renoncements pour elle aussi... Nous aidons autrui. C'est notre job. Et nous la faisons bien, même si ça nous fait mal, même si le dos craque, même si l'on tombe comme des poches de patates après des journées de travail qui semblent interminables.
Tout est ok à la résidence. Tout le monde dort paisiblement. Mon collègue fait ses tournées régulières et n'a rien à me signaler.
Je suis chanceux de travailler avec des gens aimables qui ont le coeur à la bonne place.
C'est un privilège.
Sinon une joie que de toucher un peu à tout pour mieux comprendre TOUT.
Assez écrit pour le moment. Je me demande même si c'est intéressant. Si ça vaut le coup.
Je suis un peu rouillé... J'écris et tous mes «JE» m'agacent terriblement. Pourquoi moi, moi, moi?
Parce que je ne sais pas trop...
Mes rinçures, comme dirait Rimbaud.
Cela vaut ce que cela vaut.
Bon matin et bonne journée.
Et coetera.