mardi 13 juin 2017

Illuminations et justice sociale pour tous

Ceux qui refusaient d'être les esclaves du roi Lépold II,
roi des Belges, se faisaient couper les mains au Congo...
Il m'arrive d'avoir des illuminations. J'aborde un problème quelconque, dont une question sociale, puis tout se dénoue subitement sans que je ne sache comment c'est venu. N'allez pas croire que je me donne toujours raison, que j'ai trouvé la vérité qui étouffe toutes les autres hypothèses. Par contre, il vient un jour où le rideau tombe. Un jour où ce que j'avais toujours tenu pour une vérité passe désormais pour l'ombre de la réalité projetée sur les parois de la caverne. Platon lui-même en a parlé dans le livre 7 de la République. Encore une fois, je n'invente rien. Par contre, ce sont de telles allégories qui finissent par me conduire vers plus de clarté alors que je traverse les ténèbres de ce monde.

À 20 ans, j'étais mi-rebelle mi-conformiste. J'avais honte de ma marginalité et je la mettais de l'avant par orgueil parce que le jeu du conformisme m'ostracisait. Je me croyais révolutionnaire et je pensais plutôt que j'étais envieux. Je refusais cette épithète en public. En privé, je me morigénais avec cette insulte que je me renvoyais comme si j'étais le dernier des dépravés sociaux.

Puis j'ai pris de l'âge. Je ne dirais pas que j'ai appris à raisonner. Je dirais plutôt que j'ai appris à douter de la raison résonnante. J'ai appris à me défaire des règles d'un jeu qui m'était imposé de force. J'ai appris à assumer mes doutes, mes révoltes et, aussi étrange que cela puisse paraître, ma sensibilité.

Alors que d'autres auraient souhaité que j'éteigne mon coeur pour m'abandonner aux jeux de mots et aux charades philosophiques, j'ai préféré plonger à tête baissée dans l'amour, la tendresse et la spiritualité. Ma révolte, plutôt que de s'éteindre à jamais, a pris une dimension métaphysique. Elle a gagné en substance en étant moins matérialiste, moins pseudo-scientifique, moins marxiste.

Le grand Michel Chartrand, cet anarcho-syndicaliste à la voix de prophète qui criait dans le désert, disait qu'un travailleur n'avait pas besoin d'avoir lu Karl Marx pour comprendre qu'il se faisait baiser. Je le tiens pour modèle non seulement pour cette raison, vous vous en doutez bien, mais aussi pour son extrême sensibilité, sa bonté naturelle, ses valeurs humaines. J'ai eu le privilège de le rencontrer une fois dans ma vie et de passer quelques heures avec lui. Je me souviens du mépris qu'il avait affiché envers les fins causeurs.

-Quand tes frères et soeurs sont dans la misère, ce n'est pas le temps de philosopher et de te trouver des raisons pour ne rien faire pour eux mon frère... Il faut que tu montes au front... Si t'es un gars ou une fille capable, il faut que tu ailles les aider... Tu ne les laisses pas crever tout seul en philosophant dans ton coin...

Il ne disait pas tout à fait cela, mais c'est du moins le sens que pouvaient avoir ses paroles selon ce que j'en ai retenu.

Je n'aurai pas connu Léon Tolstoï, un autre homme que j'aurais souhaité croiser, mais j'aurai connu Michel Chartrand. Du coup, je n'avais plus le droit aux jérémiades et aux démissions auxquelles m'ont habitué les membres de ma caste intellectuelle.
Les Doukhobors, ces Chrétiens nudistes de Russie persécutés
par le tsar qui furent défendus par Tolstoï.
Il leur permit d'échapper au bagne et d'être exilés au Canada.

Au fil des ans, je me suis engagé dans bon nombre de causes. J'ai prêté ma voix, mes pieds et mes bras à humblement soulager mon monde de l'injustice. Je n'ai pas toujours eu des résultats heureux. Je savais en m'engageant pour les exploités et les opprimés de ce monde que bien des défaites m'attendaient. De plus, j'étais l'un d'eux. J'étais moi-même vomi par le système, renvoyé dans la rue, abandonné et sans travail. Peut-être devais-je passer par là pour ne pas parler en faux-cul. Peut-être que l'école de la misère me permettait de parler en son nom sans bégayer.

Je m'excuse, évidemment, de vous parler de moi. Et même que je me le reproche un peu. Mais je mentirais de parler au Nous. Je sais qu'en parlant de moi je parle de tous ceux et celles qui se reconnaissent dans ce que je suis, c'est-à-dire la somme de ce que j'ai pris à tout un chacun pour me forger une âme digne de se regarder en face sans concessions.

***

En débutant l'écriture de ces quelques lignes, je me promettais de dénoncer essentiellement le colonialisme... C'était ça, mon illumination du moment. Pourquoi ai-je pris un tout autre chemin? Pour ne pas dire n'importe quoi, justement.

On a beau dire qu'on ne voit que l'ombre de la réalité, c'est tout de même moi qui la vois et finis par la transcender.

Mes yeux se sont dessillés récemment à la faveur de plusieurs livres, films et reportages touchant au colonialisme.
Idle No More

Je connaissais le génocide et l'épuration ethnique que les conquistadors européens ont commis envers les Autochtones. Or, ce modèle s'est exporté partout dans le monde pour laisser passer cette soi-disant civilisation mortifère.

Des millions de personnes ont été réduites en esclavage, terrorisées, déportées et tuées par l'impérialisme anglais, français, espagnol, portugais ou belge.

Des milliers d'abrutis croient encore que c'était pour apporter la laveuse à vaisselle et La Divine Comédie de Dante que tous ces peuples ont dû se plier au progrès...

Après 1945, après que les Allemands eussent tenté eux aussi d'avoir des colonies en employant les mêmes moyens que leurs voisins européens, le monde est subitement sorti de sa torpeur. On s'est mis à parler des droits de l'homme. Auschwitz ne devait plus jamais se répéter. Pas plus que les crimes de Léopold II au Congo.

La Chine s'est libérée de l'emprise des Européens et des Japonais qui considéraient les Chinois comme des sous-hommes sous-évolués.

L'Inde est devenue indépendante.

L'Asie, l'Afrique et l'Amérique du Sud ont poursuivi leur décolonisation.

Les Afro-Américains ont réclamé la pleine reconnaissance de leurs droits civiques, à l'instar des Autochtones.

Les Québécois ne furent pas en reste, bien qu'ils oublièrent qu'ils furent eux aussi dans la position du colonisateur impérialiste avant que d'être conquis et humiliés à leur tour. Il s'en trouve encore pour penser qu'il n'y avait rien avant Champlain... Heureusement, ce discours a tendance à sonner de plus en plus creux. Les Autochtones réclament la réconciliation. Tout comme les Algériens, les Vietnamiens, les Haïtiens, les Cubains et j'en passe. Idle No More! pour tous ceux-là.

***
Guernica, Pablo Picasso

Il m'arrive d'avoir des illuminations, vous disais-je.

Il m'arrive de trouver ce que je ne cherchais même pas.

Or, j'ai trouvé une pensée à laquelle m'accrocher pour comprendre ces temps sombres que l'humanité traverse.

Cette pensée, c'est la nécessaire sortie du colonialisme, sortie qui n'est pas parachevée compte de toutes ces stratégies du chaos qui ont lieu partout sur le globe pour maintenir au pouvoir les banksters, héritiers directs des conquistadors d'hier.

Un monde nouveau peine encore à émerger. Il naîtra malgré tout. Parce que rien ne peut arrêter quelqu'un qui n'a plus rien à perdre. Nos sociétés vieillissantes, pour ne pas dire mourantes, ne doivent pas oublier que l'âge moyen d'un être humain sur notre planète tourne autour de vingt ans. Le monde est jeune, très jeune. Et nous sommes vieux, croupissant dans un passé qui n'a rien de glorieux. pourrissant dans un avenir artificiel. Bref, nous avons tort.

Les concessions, aussi grandes soient-elles, ne suffiront pas à racheter les fautes des conquérants. Il faudra bien plus encore. Quelque chose comme la chute de l'Empire. Elle s'en vient à grands pas. L'humanité sortira de sa torpeur. Ceux qui ont faim et soif de justice seront rassasiés. Les propos triomphants des colonisateurs vont disparaître de nos paysages sonores. Il ne restera plus que les vagues échos de leur cruauté et de leur infamie. Nos manuels d'histoire seront réécrits. Nos intellectuels feront semblant qu'ils le savaient depuis toujours...

Tintin au Congo, Hergé



1 commentaire:

  1. Je souscris à ta vision du présent comme à celle du futur - Il nous faudra bien donner un petit coup de pouce à la nature , quelques coups de pieds au cul de quelques gros.se.s con.ne.s , mais la nature nous donnera bien son petit coup de pouce aussi .

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